Malades ou cobayes?
23 Juillet 2008
L’affaire des 16 patients qui ont perdu la vue à l’hôpital Beni-Messous d’Alger et dont les résultats du laboratoire scientifique de la police de Chateauneuf viennent de conclure à la cécité due à l’inoculation d’un produit, ouvre en réalité le douloureux dossier des médicaments du Nord testés sur les pauvres du Sud. Il est de notoriété publique que les expérimentations de médicaments par les laboratoires, peinent à trouver des cobayes volontaires dans les pays occidentaux. Alors, ces mêmes laboratoires se tournent forcément vers les pays du Sud où les cobayes ne sont ni volontaires ni rétribués. Le marché est si juteux que des organismes de recherche sous contrat (CRO), qui sous-traitent pour le compte des laboratoires, les expérimentations sous toutes les latitudes, ont vu le jour. Leur chiffre d’affaires en 2006, nous apprend le Monde diplomatique de mai 2007, a atteint plus de 15 milliards de dollars. Dans une autre édition, ce même mensuel résume ainsi la situation: «Attirés par la faiblesse des coûts et des contrôles, les laboratoires pharmaceutiques testent leurs produits en Afrique, au mépris de la sécurité des patients».
Cette pratique illégale, voire inhumaine est de notoriété publique. Pour deux raisons au moins. D’abord, parce que l’expérimentation d’un médicament sur l’humain est incontournable après l’avoir été sur l’animal. Et que si l’animal est facile à trouver, le cobaye humain volontaire et qui se fait payer au Nord, se fait de plus en plus rare. D’où la deuxième raison qui pousse les laboratoires à «délocaliser» leurs expérimentations au Sud où les malades, qui serviront malgré-eux de cobayes, sont plus «accessibles». Ils le sont en milieu hospitalier bien sûr. L’expérimentation ne peut se faire sur eux qu’avec la complicité de leurs praticiens. Ceci est l’évidence même. Des scandales ont éclaté ici et là. Comme celui du Tenofovir, un antiviral dont les essais cliniques ont été suspendus en 2005 au Cambodge, au Nigeria et au Cameroun, mais se sont néanmoins poursuivis en Thaïlande, au Botswana, au Malawi et au Ghana.
Pourquoi nos malades seraient-ils à l’abri de telles expérimentations? Avons-nous les moyens de contrôle? Un corps d’inspecteurs a été récemment formé et installé au ministère de la Santé mais il est peu probable que le contrôle des médicaments administrés en milieu hospitalier? fasse partie de leurs missions.
Qu’est-ce qui pousse des praticiens à effectuer des essais pour le compte des laboratoires? L’argent, parbleu! D’autres avantages en nature aussi.
Un grave problème que notre gouvernement doit, sans tarder, prendre en charge. A commencer par mettre en place une législation appropriée inspirée des déclarations internationales. notamment celles d’Helsinki et de Manille. En attendant, nos hôpitaux travaillent à «guichets fermés» sur ce plan.
Zouhir MEBARKI