On ne va pas se raconter d’histoires : les trois quarts des Algériens ignorent tout de cette date historique et de ses tenants et aboutissants. D’abord, parce que sur le plan purement statistique, la majorité de la population est née après l’indépendance, ensuite, du fait de tous les tabous qui ont entouré ce repère calendaire majeur dans la trajectoire tantôt sinueuse, tantôt rectiligne de ce grand pays qui est le nôtre. Et comme l’histoire universelle n’est jamais neutre, on comprendra, peut-être, mieux pourquoi les témoignages autant des acteurs que de tous ceux qui ont pour vocation essentielle la lecture et/ ou relecture de l’ancien. Bien sûr que la tache n’est point aisée autant pour les uns que pour les autres, au demeurant. Même s’il y a eu, bon an mal an, quelques récits et témoignages assez édifiants quant à la grandeur et de cette date pas tout à fait comme les autres (et pour cause !) et à l’immensité de ses valeureux et héroïques promoteurs. Et le propos n’est point exagéré dans la mesure où d’une part l’inégalité flagrante des forces en présence ne militait guère en faveur des artisans de ce moment exceptionnel de l’histoire de l’humanité, quoi qu’on dise et que d’autre part, les premières sérieuses dissensions sur la stratégie à adopter pour organiser la riposte dans le camp algérien, n’allaient pas tarder à apparaître et semer la zizanie. D’autant que la fameuse crise « berbériste » allait, à sa manière, donner, en quelque sorte un avant-goût de la fragilité d’un bloc que l’on croyait, pourtant soudé et hermétique dans la mesure où l’ennemi commun était déjà identifié. Mais, bon, les choses et le contexte « électrique » aidant, ne sont pas aussi simples que cela. Et vouloir les appréhender par de hasardeux raccourcis, serait les réduire à un fait banal. Toujours est-il que la cohésion des rangs en a pris un sérieux coup. Et que les états-majors de l’intérieur et de l’extérieur ne regardaient plus dans la même direction. Tandis que la guerre de leadership faisait rage, notamment à propos de la primauté de l’intérieur sur l’extérieur, principe consacré lors du congrès de la Soummam, pour rappel. Et comme l’histoire est un éternel recommencement, tous ces conflits et luttes intestinaux qui auront émaillé cette phase sensible et charnière s’il en est, déteindront et auront des incidences certaines et évidentes sur la cohésion et l’unité du groupe. Nonobstant les divergences de vue entre penseurs et hommes de terrain, en ce que l’élite a toujours été soupçonnée (souvent à tort) de tiédeur et de mollesse. Quand bien même une révolution ou plutôt une véritable guerre aussi féroce, impitoyable et meurtrière, par ailleurs, a tout autant besoin de neurones que de baroudeurs. De stratèges et d’hommes de terrain à même d’assimiler cette même stratégie et de lui donner un contenu concret sur le terrain des opérations. Et s’il n’y a pas lieu ici de privilégier un segment et/ ou un pan de l’histoire par rapport à un autre, force est pourtant d’admettre que le nord constantinois et la Kabylie ont payé le plus lourd tribut. Sans pour autant diminuer du mérite de tous ceux et celles de quelque bord et/ou tendance politique qu’ils soient ou se réclament. Et qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour libérer le pays. Faut-il, dès lors et par souci premier de rendre à l’histoire ce qui lui appartient, que le FLN n’a pas le droit (commun et/ou régalien) de revendiquer, seul, la paternité de la révolution. Car cette autoproclamassions de leader incontesté du mouvement nationaliste, notamment après l’indépendance, aura causé au pays de graves traumatismes. Et dont on paie, encore, quelque part, les néfastes retombées…Car une fois l’indépendance arrachée et au prix fort qui plus est, la guerre (souvent sourde) des factions (sinon des clans), a tôt fait de resurgir et de se rappeler au « bon » souvenir des uns et des autres. D’authentiques patriotes en feront les frais. Et parmi eux, certains pionniers, victimes des vieux démons qui sommeillaient dans les appétits jamais inassouvis de pouvoir. Tandis que le régionalisme et le népotisme dont on nous a toujours dit et expliqué avec force arguments (arguties ?) qu’ils n’étaient, au fond, qu’un legs et héritage « logiques » et « résiduels » de la politique colonialiste et de son prolongement naturel fondé sur le « diviser pour régner », semblent toujours habiter les esprits, même s’ils soutiennent, mordicus, le contraire et s’en défendent publiquement, le clamant même à qui veut bien les entendre…Il s’en est même trouvé, côté artisans patentés de ce jour de gloire, de fierté et de dignité, pour le transformer en fonds de commerce…Mais cela est une autre histoire n’est-ce pas, en ce qu’elle n’a rien, absolument rien à voir avec l’histoire majuscule de la véritable légitimité historique. En tout cas et cela nul ne saurait le nier : le 1er Novembre par tout ce qu’il induit, recèle et renferme comme ferment, retentissement et résonnance universels, n’est pas près de s’effacer ni de s’éteindre de la mémoire collective, aussi sélective soit-elle. Du moins et en ce qui me concerne, c’est vraiment là, mon intime conviction. Pour le reste et selon la formule consacrée et qui devrait susciter, attirer, éveiller, exciter et capter toute l’attention de nos gouvernants par trop enfermés et engoncés dans leurs certitudes, sinon leur tour d’ivoire : une génération s’éteint, une autre s’éveille… Amar Zentar.