Pour l’ex-chef de gouvernement, la corruption est un cheminement naturel lorsque le régime est un système rentier qui se construit seulement sur la répartition et le partage des rentes pétrolières. C’est tout le système algérien.
Irane Belkhedim - Alger (Le Soir)
- Invité à prendre la parole lors de la célébration de la huitième année du Forum des nationalistes libres, Ahmed Benbitour est revenu sur la situation sociopolitique et socioéconomique de l’Algérie. Son intervention est brève et concise. Sans verser dans le pessimisme démoralisant ou exagéré, l’ex-chef de gouvernement s’est montré confiant et optimiste devant les nombreux jeunes qui l’ont attentivement écouté. «Tous les régimes despotiques sont appelés à disparaître. L’histoire l’a prouvé dans tous les pays, cela a été le cas en Espagne, en Grèce, au Portugal, en Asie…», dira-t-il, ajoutant que tous les régimes dictatoriaux portent en eux les germes de leur mort, la fin est une question de temps. Benbitour affirme que le régime algérien a deux caractéristiques. Primo, il est intolérant, car il refuse le regard de l’autre, «tout ce qui n’est pas comme moi est contre moi est sa devise». Secundo, loin d’être un jeu démocratique, la succession au pouvoir est une lutte effrénée entre les différents clans qui se disputent le pouvoir et ne se préoccupent guère du développement du pays. «Ces gens pensent que la société n’est pas prête à une quelconque ouverture politique. Si la corruption gangrène toutes les institutions étatiques, c’est normal aussi», indique-t-il. Ainsi, la corruption est un cheminement normal lorsque «l’Etat est défaillant» et que son régime se construit sur la production des hydrocarbures et la répartition de ses richesses. «Ces gens sont obsédés par le partage des recettes pétrolières. La corruption est engendrée par la nature du régime et du pouvoir.» Tout s’explique et rien ne peut être providentiel. Poussant plus loin son analyse, Benbitour estime que lorsque les citoyens expriment leur colère dans la rue, cela renseigne sur la défaillance de l’Etat, sa «déliquescence ». «L’Etat existe juridiquement mais de facto, il est inexistant ! C’est un peu comme en Irak», argue-t-il. La situation risque de s’envenimer si les choses n’évoluent pas. «D’ici 2025, nous vivrons une déliquescence totale», avertit-il, car l’Algérie ne pourra plus compter sur sa «richesse» pétrolière. Pour l’intervenant, le changement est possible mais ne pourra être déclenché de l’intérieur, seule la société civile, plus précisément les compétences nationales, peut le provoquer. «Aujourd’hui, les Algériens sont confrontés à deux grands défis : laisser aller et compter sur la bénédiction divine ou se mobiliser pacifiquement pour changer la situation.» Il écarte le rôle de l’élite et de cet enjeu. «Ces compétences nationales auront des missions déterminées. Nous n’avons pas besoin de toutes les catégories sociales», explique-t-il, déplorant l’échec des structures existantes déjà tels les partis politiques et les associations. Ces compétences nationales devront inventer une nouvelle approche politique, d’autres moyens d’intervention et de mobilisation et exploiter de nouvelles forces. «Depuis le la fin de l’ère du parti unique, nous sommes encore en phase de transition ! Du changement ! Depuis 20 ans !», s’étonne-t-il. Avant de conclure, «Depuis novembre 1955 nous avons fait le serment de bâtir un Etat national, un demi-siècle après, nous n’avons pas réussi ! Cela veut dire que nous ne sommes pas sur la bonne voie. Combien de temps nous faudra-t-il ?»
I. B.