Neuf mois après la fusillade de Cabinda, où deux membres de l'encadrement de l'équipe de football togolaise avaient été tués avant l'ouverture de la CAN, les Éperviers font de nouveau les gros titres. Cette fois, pour une affaire de match truqué, sur fond de corruption. La rencontre a eu lieu le 7 septembre, au stade national Manama, fief de l'équipe de Bahreïn. La sélection bahreïnie, en pleine préparation pour le championnat d'Asie de l'ouest, bat tranquillement le Togo, 3-0 (tous les buts ici).
Le lendemain, la Fédération internationale de football (Fifa), salue la victoire «impressionnante» des joueurs de Josef Hickersberger. Mais rapidement, les responsables de la fédération bahreïnie soupçonnent une arnaque et découvrent que leur adversaire n'était pas celui attendu.
«Le très mauvais jeu des Togolais nous a surpris, mais de là à penser que nous avions affaire à une fausse équipe...», soupire un officiel. Les adversaires «n'avaient pas la condition physique pour jouer un match pendant 90 minutes. C'était une pure perte de temps», renchérit le coach bahreïni. La véritable sélection togolaise, elle, revenait tout juste d'un match qualificatif au Botswana. En transit le 6 septembre à Lomé, elle était dans «l'impossibilité» totale d'être dans le même temps à Bahreïn, nous a confié son sélectionneur, le Français Thierry Froger.
«En l'absence du général, chacun prend des initiatives personnelles»
Mais alors, qui étaient les onze joueurs alignés au stade de Riffa? La fédération bahreïnie plaide la bonne foi, expliquant avoir organisé le match par le biais d'un agent agréé par la Fifa, avec lequel elle aurait déjà collaboré par le passé. Elle affirme aussi avoir échangé des courriers avec son homologue togolaise pour arranger les visas et le déplacement des joueurs. Le Guardian précise même qu'une liste initiale de vingt joueurs togolais (avec dates de naissance et numéros de passeports) avait été fournie, avant qu'un officiel ne dégaine 18 noms complètement différents, quelques minutes avant le coup d'envoi.
Du côté togolais, on joue également la surprise. «Nous n'avons envoyé aucun joueur à Bahreïn ; les joueurs qui ont pris part au match amical étaient totalement faux», affirme le général Seiyi Memene, président du comité intérimaire de la fédération togolaise (1). «Personne n'a jamais été informé d'un tel match. Nous allons mener les enquêtes pour démasquer tous ceux qui sont impliqués dans cette affaire», martèle sur Jeune Afrique Christophe Tchao, le ministre des sports.
La fédération togolaise, connue pour son fonctionnement erratique, est en plein foutoir depuis plusieurs mois. En décembre dernier, son président, le Colonel Rock Balakiyèm Gnassingbé, demi-frère de Faure, est écarté. Un comité intérimaire est mis en place, dirigé par Seiyi Memene. Mais comme euphémise Honoré Adontui, journaliste pour une chaîne togolaise, «en l'absence du général Memene, chacun prend des initiatives personnelles».
200.000 dollars
En l'occurrence, un membre de la fédération serait derrière ce match bidon. «Il devait décommander la rencontre, il ne l'a pas fait», explique Honoré Adontui. Ce genre de «dysfonctionnement» n'est pas nouveau. En août, l'ex-entraîneur des Éperviers, Bana Tchanilé, a été reconnu coupable d'avoir fait jouer à un tournoi au Caire une équipe de son centre de formation sous les couleurs nationales. Bilan: deux valises pour le faux Togo, battu par l'Egypte (0-7) et le Maroc (0-5).
Officiellement suspendu, Bana Tchanilé serait encore dans le circuit. «Il était dans le Golfe récemment», confie Dimas Dzikodo, patron du journal de Lomé «Le Forum de la semaine» et membre de la commission «médias» de la fédération togolaise. L'homme bénéficierait de nombreuses complicités au sein de la fédération. Il faut dire que la somme touchée côté togolais pour l'organisation de ce faux match amical - «200.000 dollars» selon Dzikodo - a de quoi aiguiser les appétits. Le journaliste précise même que l'équipe qui s'est déplacée au Bahreïn ne comptait aucun Togolais, mais des Nigériens.
Quant à la version officielle du général Memene, selon laquelle une enquête aurait été ouverte, Dimas Dzikodo s'avoue sceptique: «Il pourrait tout à fait demander à la fédération bahreïnie les noms des joueurs qui ont disputé le match du 7 septembre, ainsi que ceux du staff et de l'agent qui a organisé la rencontre. Mais il refuse de le faire...» La Fifa, quant à elle, déclare ne pas avoir ouvert d'enquête, dans la mesure où aucune plainte n'a été déposée.
Source : Le journal français LIBERATION 16/09/2010 Par SYLVAIN MOUILLARD
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