L’Enfant de Sable de Tahar Benjelloun.
Hadj Ahmed, le père de l’héroïne, est las d’attendre la naissance d’un fils
ardemment désiré et violemment souhaité après sept filles. Il entreprend donc
de forcer le destin et décrète que la huitième naissance sera une grandiose fête,
puisque sa femme deviendra une vraie mère qui aura accouché d’un garçon. Il
a tout arrangé jusqu’à la vieille sage-femme, Lella Radhia, qui accepte contre
monnaie courante de jouer le jeu : annoncer la naissance d’un mâle au foyer de
Hadj Ahmed, « même si le nouveau-né est une fille, il s’appellera Ahmed »10.
Ce qui devait arriver arriva, en ce jeudi historique, Lella Radhia ouvre la porte
de la pièce où l’épouse avait enfanté d’une fille et poussera des youyous
stridents de joie, annonçant ainsi la naissance d’un mâle. Le compte a rebours
d’une histoire cauchemardesque est ainsi déclenché, et la naissance d’Ahmed,
la fille-garçon est fêtée, car le père, qui a bien vu une fille, restera dans son
aveuglement et croyant et simulant fermement que c’est un garçon.
La maison de Hadj Ahmed respire enfin le bonheur, la famille est en fête,
l’homme voit son honneur recouvré et la mère est une femme comblée et est
enfin reconnue comme une vraie mère. Même l’épreuve de la circoncision a eu
lieu sans problème et le barbier-circonciseur croira avoir coupé le prépuce du
garçon, alors qu’en réalité c’est l’index du père qui payera les frais, le sang
versé provenant de son doigt.
L’enfant est pris en main par le père, et évoluera comme les autres garçons de
son âge. Avec l’adolescence, il prendra conscience de son état, les menstrues
étant là pour lui rappeler qu’elle n’est pas le garçon qu’on voulait qu’elle soit !
Déjà la femme en lui perce la carapace d’artifice et réclame son droit à la vie,
le sang sur le tissu représentant la trahison de l’ordre.
Voulant aller jusqu’au bout, Ahmed-Zahra a une prise de conscience, et réclame
à son père le droit d’avoir une épouse : ce sera Fatima, la cousine boiteuse
et épileptique, fille de l’oncle qui scrutait l’héritage avant la naissance de
l’« héritier ». Ahmed-Zahra ne tardera pas à être veuf(ve) et après la mort
de son père, il deviendra encore plus amer. Ne pouvant contenir d’avantage
son anéantissement il quittera la maison paternelle, un lieu qui lui rappelle la
négation de sa féminité.
bonne lecture a toutes et tous.