Cid Messaoudi ou le soleil déclinant là-bas derrière le village
Par : ABDENNOUR ABDESSELAM
Mort trop tôt, Cid Messaoudi reste l’artiste qui incarne la domestication de la douleur imposée par l’effroyable, l’impitoyable mais tout aussi nécessaire et utile émigration dans ses premières années d’apparition datant du lendemain de la Première Guerre mondiale. En effet, la société kabyle en particulier et algérienne en général vivait en dessous du seuil de pauvreté. Pour la science de l’époque, la terre des montagnes semblait ne pas offrir, du moins pour le moment d’alors, de possibilités pour un développement économique viable et suffisant. Les montagnards subissaient les hauteurs. Plus tard, à l’Indépendance, la Kabylie, en raison de sa rébellion face au pouvoir central et son niveau de maturité politique, subira de fortes restrictions budgétaires. Ce qui accroîtra un terrible appauvrissement économique, chaque année grandissant. La massification des départs en émigration laissera alors derrière elle une région vidée de ses hommes et donc de son potentiel actif. Les femmes ont dû s’adjoindre à leurs tâches habituelles, déjà pénibles et difficiles, celles encore plus rudes des hommes. Dès lors, la séparation s’est imposée. Elle reste toujours une déchirure difficile voir impossible à surmonter. Les départs étaient synonymes d’une longue absence.
Parfois ils se faisaient sans retour. Plusieurs émigrés ne revenaient plus. L’émigration se transforme pour eux en exil, un exutoire. L’oubli des leurs, la nouvelle ambiance admirable, les joies que procurent les grandes villes s’ouvrent à eux comme des enchantements, aussi craintes que désirées. Ces rêves subitement trouvés finissent par achever les obligations et les raisons qui les ont fait partir et installent des retours incertains.
Les immenses sacrifices qu’ils devaient consentir et supporter se noient dans l’étourdissement des “paradis” enfin découverts. L’émigré qui ne revient plus prend alors l’appellation d’un “amjah”, c'est-à-dire l’éperdu. Ce panorama affligeant, Cid Messaoudi a su le peindre dans une profondeur de mots pour y avoir justement lui-même subi et vaincu l’émigration. Chaque éperdu était pour lui un soleil qui déclinait à répétition là-bas, derrière le village désolé. Placée dans son temps, toute la poésie de Cid Messaoudi était une complainte où tout un chacun pouvait et peut encore aujourd’hui se reconnaître. Nous notons que le volet de la thématique de l’émigration a pendant longtemps représenté la plus grande partie des éléments chantés.
A. A.