Selon le ministre de l'Intérieur, l'Algérie a joué de malchance en ayant fait appel aux instituteurs en provenance de certains pays arabes quelques années après son indépendance.
L'Algérie s'est-elle trompée, en ce qui concerne le choix des enseignants en langue arabe, au lendemain de sa libération de plus de cent trente ans de colonisation française? Daho Ould Kablia, qui s'est exprimé sur les ondes de France Culture - dans le cadre d'une série d'émissions radiophoniques qui ont pour thème: «La grande traversée: Algérie 1961 à la croisée des chemins» qui seront diffusées jusqu'au 29 juillet - a regretté cette option sans cependant livrer son impression sur un sujet qui demeure d'actualité: l'arabisation du système éducatif. «Nous avons eu la malchance d'avoir une génération d'enseignants venant du Moyen-Orient qui ont pollué l'esprit de nos enfants et nous en subissons les conséquences avec ses courants religieux étrangers à nos traditions», a déclaré Daho Ould Kablia. Interrogé sur le message qu'il souhaitait transmettre aux générations de demain, à une année de la célébration du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, il a exprimé son «regret» que des liens entre les deux générations «n'aient pas été tissés pendant ces 50 années qui ont suivi l'indépendance». A qui incombe la responsabilité? Est ce le fait d'avoir mal transmis l'Histoire aux générations qui ont suivi ou est-ce que ces dernières en savaient déjà assez sur une Histoire que l'on a tentée vainement de tronquer. Il y a certainement du vrai dans ces deux éléments de réponse. Lorsque l'on se sait berné, la cassure est inévitable. Le ministre de l'Intérieur actuellement président de l'association des anciens du Malg (ministère de l'Armement et des Liaisons générales, durant la guerre de Libération) a estimé, d'un autre point de vue, que «les jeunes Algériens ont eu des formations différentes, teintées d'arabisme et de religion». Cette réflexion vise, sans aucun doute, à donner un éclairage partiel sur les tenants et les aboutissants de la tragédie nationele qui a ensanglanté l'Algérie. Les germes de la violence inoculés à une partie d'une génération désabusée, qui a fait le choix des armes et d'un terrorisme aveugle, y trouve son fondement. Ce qui a préparé le lit à un mode de vie et à des comportements en adéquation avec une application rigoriste des préceptes de l'Islam. Des réflexes jusque-là étrangers à la société algérienne. Faut-il rappeler que l'enseignement de la langue arabe s'est fait dans la foulée de la liberté retrouvée du peuple algérien et du départ précipité des enseignants français? Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales ne dénonce pas ouvertement ce qui demeure, quoi qu'on en dise, un choix idéologique. Ce qui n'est pas dit aussi c'est que ceux qui avaient le pouvoir à l'époque ont décidé de manière unilatérale, du destin de générations successives de jeunes Algériens. Peut-on refaire l'Histoire? Doit- on apporter des correctifs et reconnaître nos erreurs? Certainement! L'Algérie commence aujourd'hui à panser ses blessures, à se reconstruire et à se réapproprier une identité morcelée. La langue amazighe côtoie à force de luttes et de revendications acharnées la langue arabe tandis que la langue française a repris la place qui lui sied le mieux, celle de la culture et de la communication. Reste à l'Algérie de recoller les morceaux et de se réapproprier son identité.
Par Mohamed TOUATI