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| Usages de l’écriture et production des savoirs dans la Kabylie du XIXe siècle... | |
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tikka V.I.P.
Nombre de messages : 6080 Age : 63 Localisation : Setif Emploi/loisirs : Gestion/nature Humeur : Idhourar i dh'al3amriw... Date d'inscription : 08/07/2008
| Sujet: Usages de l’écriture et production des savoirs dans la Kabylie du XIXe siècle... Dim 20 Nov - 17:48 | |
| Résumé. L’objet de ce travail est de présenter quelques éléments sur la culture savante «locale» du Sud-Est de la Kabylie au XIXe siècle et au début du XXe siècle. L’utilisation de l’écriture et la diversité des domaines d’intérêt (identifiés essentiellement sur la base de manuscrits) sont examinées à travers les écrits de quatre générations d’une famille de lettrés locaux. Une première analyse permet de constater que la contribution de ces lettrés locaux concernait essentiellement la copie d’ouvrage, le commentaire et l’abrégé de textes de référence, les activités judiciaires(consultations juridiques…), les observations astronomiques, l’utilisation des opérations de calcul, la pratique astrologique… De nombreuses opinions hâtives ont été émises à propos de la culture savante,c’est-à-dire écrite, en Kabylie au XIXe siècle. Dès 1863, Andrien Berbrugger,président de la Société historique algérienne (coloniale) déclarait1 : « Dans ce pays […] sans savants, sans traditions savantes et même sans livres ». Plus récemment,tout en reconnaissant l’existence d’une « masse de culture demi-savante »,Mouloud Mammeri ira beaucoup plus loin. En effet, il affirme que cette dernière« n’était pas seulement figée, mais qu’elle opérait de façon négative comme facteur bloquant » (Mammeri, 1990 : 9). Certes, des zones d’ombres importantes recouvrent l’histoire de cette culture écrite. Cependant, tous les analystes s’accordent sur le fait que depuis le XIVe siècle, il y a eu un abaissement général du niveau de l’enseignement et un arrêt brutal de la production. Analysant les activités intellectuelles à cette époque, Mouloud Mammeri suppose que l’une des causes de leur faiblesse est « le divorce à peu près absolu entre la culture vivante de la masse, toujours exprimée dans les langues vernaculaires, et une science des clercs, elle en arabe classique2 ». La découverte récente d’une khizana (bibliothèque) de manuscrits, constituée au milieu du XIXe siècle dans le Sud-est de la Kabylie (Aïssani, Adjabi et al., 1996), permet de lever le voile sur la nature des activités et sur le niveau de la production intellectuelle (liée à l’écrit) dans cette région à cette époque. Basée essentiellement sur des matériaux écrits, cet article propose un certain nombre de pistes de réflexion et de travail qui permettront de cerner la qualité et la densité de la vie de l’esprit et en particulier, de tenter de situer les principaux éléments de la transmission du savoir, à travers l’analyse des écrits de quatre générations d’une famille de lettrés locaux. Dans le premier paragraphe, nous tentons de situer le contenu de la khizana de Lmuhub Ulahbib (né en 1822) au niveau des activités intellectuelles avant et après la période qui nous intéresse. Le deuxième paragraphe est consacré à la présentation d’une famille de lettrés locaux (il s’agit ici de la famille Ulahbib, propriétaire de la khizana). La culture savante (certes en arabe classique, mais parfois en arabe populaire et en berbère) et la culture orale disponibles au sein de cette famille au XIXe siècle sont exposées dans les paragraphes suivants. La vie intellectuelle depuis le XVIe siècle Située au coeur de l’espace méditerranéen, Béjaia (Bgayet, Bougie, Bugia, Buzzea), ville d’Algérie qui donna son nom aux petites chandelles (les bougies) et à partir de laquelle les chiffres arabes ont été popularisés en Europe, a été au Moyen Âge l’un des principaux centres intellectuels du Maghreb. À l’époque où............. 1. Cette déclaration a été faite lors de la séance inaugurale de l’Assemblée générale de la Société, le 23 avril 1863 (Berbrugger, 1863 : 124). 2. Il suppose que ceci a eu des effets durablement néfastes au cours des siècles. Mammeri (1990 : 19) précisera sa pensée en affirmant que « La science figée des livres fige du même coup la création au lieu de la porter ». .........cette capitale du Maghreb central accueillait les principaux savants de la Méditerranée(Ibn Hamdis, Léonardo Fibonacci, Sidi Bou Medienne, Ibn ‘Arabi, Ibn Sab‘in, Raymond Lulle…), il est probable qu’une grande partie des habitants de sa province (à savoir la Kabylie) était analphabète3. Cependant, plusieurs régionsavaient des centres d’enseignement avec des traditions propres. En effet, le mouvement sufi avait probablement favorisé l’introduction d’une vie intellectuelle d’un niveau élémentaire ou moyen dans les zones rurales. Les centres d’enseignement La destruction de Béjaïa par les Espagnols va contraindre de nombreux savants de Bougie à « émigrer » vers la province4. C’est ainsi que certains centres d’enseignement vont devenir de véritables instituts5. Ces derniers vont avoir de nombreux liens entre eux6 ainsi qu’avec les grandes universités de l’époque7. C’est le cas notamment des instituts d’Ath Yala qui ont joui d’une grande réputation par le niveau de leur enseignement8. Cette réputation va d’ailleurs dépasser le cadre des frontières de la Kabylie et ce, pendant plusieurs siècles. Déjà, Ibn al-Faggun (1590/988h-1663/1073h) affirmait que de nombreux savants constantinois émigraient dans le pays des Kabyles pour se spécialiser dans la science des lectures coraniques9. À cette époque également, la production intellectuelle et l’enseignement ne se départissent que légèrement de leurs caractères religieux. La plupart des lettrés étaient des hommes de religion ayant en général une formation de jurisconsulte et de théologien. Par ailleurs, l’usage de l’arabe littéraire a probablement élargi le fossé qui existe entre citoyens instruits et analphabètes. Après la conquête française, les médersas d’Alger, de Tlemcen et de Constantine vont être créées en 1850. Elles ne comprenaient que très peu d’étudiants...... 3. Ainsi,Léon l’Africain avait mis l’accent sur « le manque total de culture des habitants de la Petite Kabylie » (Léon III, 193). 4. J. Fontaine se demande quel a été l’impact culturel de la Bougie de la grande époque sur son hinterland. 5. Avec leur histoire propre et leur règlement intérieur strict (Bouabdelli, 1970 : 341). Parmi eux citons Chellata, Mechdellah, Beni Mellikeche, Smaoun, Boudjellil Ben Dawud, Isula, Yahia ou Musa, Ahmad et Yahia à Amalou, Sidi Musa à Tinebdar, Al-Bani Sahnun. Une liste des zawiyyas de la région est donnée dans Nacib, 1970. 6. Lmuhub Ulahbib, qui aurait poursuivi ses études pendant sept ans à la zawiyya de cheikh Aheddad (Seddouk), va entretenir une importante correspondance avec des zawiyyas extérieures à la Kabylie. On peut supposer ici qu’une partie de ses correspondants ont fait leurs études avec lui. 7. La famille Yahia U Hamoudi conserve le diplôme du cheikh Mortada az-Zabidy, rédigé de sa plume et portant le cachet de 1787/1201h. (délivré par l’Université d’al Azhar-Le Caire). Quant à la famille al-‘Arbi Ben Mesbah, elle conserve un diplôme (Zitouna) de la fin du XIIe siècle de l’hégire (Bouabdelli, 1970 : 341). 8. Selon Mer Bouabdelli (1970 : 341), les programmes étaient équivalents à ceux des universités de la Zitouna (Tunis) et de la Qarrawiyyin (Fès). 9. Cf. son ouvrage Manshur al-Hidaya fi Kashfi Man Ida‘ al-‘Ilm wal-Wilaya. Voir également ce que dit le Turc hanafite Abu l’Abbas Ahmad Bernaz, qui a séjourné un temps à Beni Gliss (al-Serradj, 1969). ...........Cependant, selon Pelissier, 27 000 étudiants fréquentaient les écoles coraniques en 1861. Fourmenteau, quant à lui, affirme qu’il en restait 6500 en 1879. Ceci peut servir d’argument à l’hypothèse selon laquelle le niveau intellectuel a considérablement chuté dans les zawiyas après l’insurrection de 1871 (Gehimab, 1996). C’est enfin en 1880 que commence à émerger une classe de lettrés formés par l’école française. Nous avons retenu cette date car elle correspond à la période d’apparition des premiers textes écrits en langue française par des algériens (Djeghloul, 1988 : 6). Les bibliothèques Durant le Moyen Âge, de nombreuses bibliothèques (khizanat al-Kuttub) ont existé à Béjaia. Certaines d’entre elles, fondées et entretenues par les princes se trouvaient soit au palais, soit dans la grande mosquée. Ainsi, en parlant d’un ouvrage, al-Gubrini rapporte que « ce Naskh, appartient au fond de la khizana as-Sultania, que Dieu la garde et la préserve » (al-Hafnawi, 1991 : I, 117). Ces bibliothèques contenaient « des livres précieux traitant de diverses sciences ». Cependant, ces khizanas étaient en général destinées à une élite et n’avaient pas de durée dans le temps (Brunchvig, 1940 : 368). Par contre, les bibliothèques des mosquées, des zawiyas et des médersas avaient un rôle social plus important. Elles ont joué un rôle considérable dans la diffusion des connaissances au niveau de la masse. Les fonds documentaires étaient alimentés par l’achat de manuscrits dans les souks10 ou plus fréquemment par la copie d’ouvrages11. Ces fonds étaient cependant soumis à des risques divers de dégradation et de perte. De nombreux ouvrages se perdaient « par la pluie et la main des hommes ». Les isnads Selon M. Bencheneb, parmi les cinq idjazas (licences d’enseignement) qui circulaient chez les savants algériens, une seule avait pour auteur un Maghrébin. Il s’agit de ‘Abd l-Qadir al-Fasi. La plupart des savants qui y sont mentionnés sont des « occidentaux » et leur isnad (chaine d’autorités) (Aïssani, 1993 : 65) nous montre par quelle voie telle ou telle science (tel ou tel ouvrage) arriva au Maghreb (Bencheneb, 1905 : 168). L’idjaza d’al-Fasi a été achevée en 1770. Son principal intérêt est qu’elle permet d’avoir une idée sur les ouvrages étudiés au XVIIIe siècle. Notre décompte indique que près d’une trentaine d’auteurs de la khizana de Lmuhub Ulahbib figurent dans l’idjaza d’al-Fasi........... 10. Cf. paragraphe 4.3. 11. Cf. au paragraphe 6 les nombreux manuscrits copiés par Lbachir et Lmuhub Ulahbib. 12. Sur les 28 titres de la khizana (mathématiques, science des héritages, astronomie), six ont été édités par la maison ath-Ta‘alibiyya (sur les neufs ouvrages que compte le catalogue). Remarquons ici qu’aucun livre d’astrologie n’a été édité par cette maison d’édition.... a suivre | |
| | | tikka V.I.P.
Nombre de messages : 6080 Age : 63 Localisation : Setif Emploi/loisirs : Gestion/nature Humeur : Idhourar i dh'al3amriw... Date d'inscription : 08/07/2008
| Sujet: Usages de l’écriture et production des savoirs dans la Kabylie du XIXe siècle... Dim 20 Nov - 17:57 | |
| Ouvrages connus au début du XXe siècle Pour identifier les ouvrages de référence en Algérie au début du XXe siècle, nous avons utilisé le catalogue de la maison d’édition ath-Tha‘alibiyya. En effet, les titres édités devaient être considérés comme « classiques ». Ce catalogue comprenait près de 600 titres dans l’édition de 1929 – cf. DOLI N° 01 (Aïssani et al., 1996 : 193). Nous avons comparé ce catalogue avec la liste des titres de la khizana. Plus d’une trentaine des ouvrages de cette dernière y figurent. Cependant, en ce qui concerne les disciplines « mathématiques », la khizana est de très loin beaucoup plus « riche »12. L’enseignement au niveau des deux associations des ulémas Les principaux ouvrages de référence, utilisés dans le système d’enseignement des associations des ulémas, figuraient dans la khizana de Lmuhub Ulahbib. Le système islahiste Les objectifs des enseignements dans les médersas islahistes sont reportés dans la référence (El Korso, 1988 : 61). Le programme d’enseignement de base a été élaboré en 1931. Il comportait trois sections. Section religieuse : Étude de la Risala d’al-Qayrawani, de la biographie du prophète (Sira), de quelques chapitres du Coran et de quelques Hadiths. Section linguistique : Étude de l’Adjurrumiya, élément de morphologie et choix de quelques qasa’id. Section pratique (Hayawi) : Science du calcul, éléments de géographie et de langue française. Le niveau supérieur13 était destiné à une élite. Il comprenait : a) Exégèse coranique, fiqh, biographie du prophète pour la partie formation religieuse. b) Études classiques : al-Qatr d’Ibn Hisham et al-Alfiya d’Ibn Malik pour la partie littéraire et linguistique. Le système maraboutique L’importance de l’action de l’Association des ulémas Ahl as-Sunna est bien mis en évidence (Boucenna, 1996). Le programme d’enseignement dans les zawiyas et les médersas rattachées à cette association est présenté dans El Korso (1988 : 67). Le niveau supérieur était dispensé, à partir de 1947, à la Koulia al-Kettania (Constantine)14............... 13. Précisons ici que cet enseignement très poussé ne se pratiquait que dans certaines grandes villes : Constantine (Ibn Badis), Alger (al-Oqbi), Tlemcen (al-Ibrahimi) et Laghouat (al-Mili). 14. Cheikh Ben Hamlaoui, patron de la zawiyya ar-Rahmaniya d’Aïn al Ars (Sétif ), en était le président ...........Une famille de lettres au XIXe siècle Présentons à présent une famille de lettrés locaux en nous basant sur des informations principalement puisées dans les documents écrits. La région d’Ath Urtilan Elle est située au Sud-Est de la Petite Kabylie (à une centaine de kilomètres de Béjaia). Un manuscrit colonial, rédigé à Bougaâ en 1888 par l’instituteur G. Hénaut, décrit avec précision la commune mixte du Guergour : description territoriale, commerce et échanges, habitations, caractère de la propriété dans les tribus, moeurs, instruction15, population, origine des tribus, résumé historique sur les différentes insurrections, familles marquantes, confréries religieuses16, renseignements politiques, voies de communication… (Henaut, 1888 : 219). En ce qui concerne l’instruction, plusieurs travaux ont mis en évidence le nombre important de zawiyya dans la région d’Ath Urtilan, ainsi que la réputation des lettrés locaux. Bien avant l’époque que nous considérons, Lhucine al-Wartilani (1713-1779) l’avait rendue célèbre. Les familles de lettrés au XIXe siècle La plupart des familles de lettrés étaient d’origine maraboutique. Elles étaient associées aux travaux d’organisation de la justice musulmane. Les plus connues sont celles dont les membres ont, après la conquête française, plus ou moins été intégrés dans l’administration coloniale et dont les enfants avaient pu poursuivre des études dans les grandes universités (Qarawiyin à Fès, Zitouna à Tunis et al-Azhar au Caire)17. Ce devait être le cas par exemple, dans la région qui nous intéresse, des familles18 Ben ‘Ali Chérif, U Hamoudi et Ben Mesbah. 15. En ce qui concerne l’enseignement du français, en 1888, la commune mixte du Guergour comprenait neuf écoles fréquentées par 300 élèves indigènes. Il y avait déjà six moniteurs « indigènes ». Précisons ici que selon F. Colonna, en Kabylie, « les lignages religieux – certains en tout cas – avaient très vite utilisé les canaux de l’école coloniale ». C. Benhabyles (1914 : 15) affirme quant à lui que « la critique du maraboutisme, des superstitions est autant le fait des Salafites que des intellectuels francisés et plus encore peut être, le fait des premiers ». Il ajoute que « leur vision négative des pratiques culturelles populaires, leur attitude drastique face au maraboutisme et aux confréries empêchent la société rurale de se reconnaître véritablement dans leur discours ». 16. Les familles de la région étaient en général affiliées aux confréries de la Shadiliyya (de cheikh ash- Shadili de Kaïrouan) et de la Rahmaniya (de cheikh Aheddad). Soulignons ici le caractère récent de cette confrérie de racine kabyle (fin du XVIIIe siècle) et son attitude politique constamment oppositionnelle (Colonna, 1983). 17. La famille Ben Rahal de Nédroma est un exemple type d’élite locale. Hamza Ben Rahal a eu toute sa vie une activité intellectuelle remarquable et entretenait une importante bibliothèque. Dès 1848, il rédigea en arabe une histoire de Nédroma que son fils traduisit en français en 1877. Selon Grandguillaume (1976), « il n’aurait pas négligé ses intérêts matériels ». Il a été fait chevalier de la légion d’honneur par Napoléon III à Oran en 1865. Les membres de la famille que nous allons présenter, propriétaires de la khizana, ne sont jamais sortis de la Kabylie (ni pour études, ni pour pèlerinage). Par ailleurs, ils n’ont pas été intégrés dans l’administration coloniale (Bach-agha, Caïd, Cadi…)19. Une famille de lettrés locaux La famille Ulahbib habite le petit village familial de Tala Uzrar20 (la source aux galets), situé à une vingtaine de kilomètres de la ville d’Ath Urtilan (Beni- Ourtilane). Les ruines romaines situées à la sortie du village La‘zib21 prouvent l’ancienneté de la présence humaine dans cette région. La famille avait des activités agricoles et commerciales propres aux paysans de l’époque22. D’origine maraboutique, elle affirme avoir eu plusieurs walis (saints) et plusieurs imams23. Parmi eux, Yahia, Sa’id et Aïssa. Ces deux derniers noms figurent précisément sur le pacte de réconciliation répertorié ANR n° 12 (Aïssani et al., 1996 : 178). Ce pacte, daté de 1775/1189 h., est un témoignage sur le règlement d’un différent24. Dans ce paragraphe, nous allons nous intéresser principalement à quatre générations de la famille Ulahbib : Lbachir (mort en 1861) Lmuhub (né en 1822) Arezki (né en 1856) Les frères [Lbachir (né en 1876), Lmahdi (né en 1892), Ahmad (né en 1900)]. En effet, c’est sur ces membres de la famille que nous avons des écrits. Cependant, la mémoire collective retient le nom de Aïssa. Ce dernier aurait fondé au XVe siècle une école (zawiya) à Rasfa25. Son tombeau (Kubba Sidi Aïssa) est encore de nos jours un lieu de pèlerinage. Détruite par l’armée française au XIXe siècle, cette zawiya sera reconstruite sous l’impulsion de Lmuhub vers la fin du XIXe 18. En effet, des membres de ces familles (citées notamment par Hénaut, 1888 : 220) avaient poursuivies leurs études dans les plus grandes universités du monde musulman. Il semble qu’au début du XXe siècle, il y avait presque autant d’élèves algériens à al-Azhar que dans la plus peuplée des médersa algériennes. Djeghloul (1988 : 7) estime le chiffre à 200-300. 19. Seul Ahmad Ulahbib (Mechehed), né en 1900, a exercé des fonctions d’administrateur judiciaire. 20. Ce village était encore, en 2004, sans eau courante et sans électricité. La piste qui y mène ne permettait pas d’y accéder par véhicule par temps de pluie. 21. Situé à 7 km de Tala Uzrar. 22. Voir la description de ces activités dans le manuscrit de G. Hénaut. Nous avons retrouvé une correspondance adressée à Lmuhub Ulahbib, concernant une commande de miel. 23. Toujours selon Letourneau, « les personnages religieux (membres de confréries, marabouts…) jouissaient d’une grande considération, s’employaient souvent à apaiser les différents survenus entre familles ou entre groupes tribaux et bénéficiaient de privilèges comme l’exemption de l’impôt ». Il poursuit en affirmant « qu’à peu près seuls, ils représentaient la culture écrite, c’est-à-dire la culture arabe ». 24. Sur la liste de noms des personnages ayant assisté à ce règlement figurent Sa’id b. Lahbib et son frère Aïssa. Par ailleurs, il est déjà question du village de Tala Uzrar. 25. Ce lieu dit, habité par une famille maraboutique, dépend administrativement du village Zakou-AthUrtilan. siècle. En effet, dans une note manuscrite, Lmuhub consigne l’argent collecté : « 3 francs, 10 sourdis… », cf. Ms. T N° 04 (Aïssani et al., 1996 : 50). Nous n’avons pas de témoignages sur les écrits des premières générations, à l’exception d’un certain ‘Ali Ulahbib mentionné élogieusement dans un acte notarié daté de 1797/1211h (Aïssani et al., 1996 : 176). Cependant, nous n’avons pas pu établir son degré de parenté relative à la branche de Lmuhub. Les cinq générations suivantes ont toutes rédigé des écrits. Ce sont principalement des ‘Aqa’id (actes notariés…), des correspondances et des copies d’ouvrages. Certains d’entre eux sont probablement auteurs d’écrits (commentaires, résumés, compilations…), principalement de théologie et de jurisprudence. Lbachir, le copiste Lbachir Ulahbib a joué un rôle essentiel dans la constitution et le développement de la khizana de son fils Lmuhub. En effet, c’est probablement lui qui a pris l’initiative d’envoyer Lmuhub poursuivre des études à la prestigieuse zawiyya de cheikh Aheddad (Seddouk)26. Par la suite, les études, puis les activités intellectuelles de son fils vont avoir une grande influence sur lui. Une analyse de ses copies d’ouvrages permet de cerner ses domaines d’intérêt : Coran, grammaire, fiqh, hadith, littérature, ‘aqida, astrologie, science des héritages, science du calcul. Des informations sur sa mort sont portées sur le manuscrit F n° 18 (Aïssani et al., 1996 : 60). 26. Cette zawiyya sera détruite par l’armée française après l’insurrection de 1871 (Boucenna, 1996). Rappelons ici que cheikh Aheddad (1790-1873) est notamment l’auteur de : Risala fi at-Tassawuf et de Sharh Mandhumat Ibn Rushd. 27. Une note de sa main, répertoriée DL n° 03 (Aïssani et al., 1996 : 50), précise qu’il était âgé de 52 ans en 1872/1289 h. | |
| | | tikka V.I.P.
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| Sujet: Re: Usages de l’écriture et production des savoirs dans la Kabylie du XIXe siècle... Dim 20 Nov - 18:04 | |
| Lmuhub, le fondateur Lmuhub, né aux environs de 1822/1237 h.27, aurait suivi sept années d’études28 à la zawiyya de cheikh Aheddad. Il est possible de recueillir des informations sur les écoles qu’il a fréquentées, en particulier sur ses maîtres et ses camarades de promotion, en analysant attentivement certains écrits de la collection. À titre d’exemple, dans le manuscrit répertorié MS n° 01 (Aïssani et al., 1996 : 76), un commentaire de Lmuhub précise qu’un de ses maîtres est Ahmad b. Sahnun. Nous ignorons si ce personnage enseigna à la zawiyya de cheikh Aheddad, cependant il appartenait probablement à la famille Usahnun, fondatrice de la zawiyya cheikh Usahnun, à Taghrast-Ighzer Amokrane. Par ailleurs, dans le manuscrit DL N° 02 (Aïssani et al., 1996 : 84), une note précise que Lmuhub exerça la fonction d’imam à Tighilt Imra‘n (Beni Ghbula-Ath Urtilan) en 1881/1298h. Il est établi que la bibliothèque était la propriété exclusive de Lmuhub. En effet, dans un pacte d’héritage daté de 1852/1268 h., entre Lmuhub et son frère La‘arbi, à propos des ouvrages, il est précisé « qu’ils reviennent à Lmuhub, car ils lui appartiennent par achat et copie (bi Shira wa Naskh wa Nahwaha) ». La légende rapporte qu’un jour de marché (à Suq al-Djema‘a29), alors qu’il venait de terminer ses achats, il aperçut un manuscrit en vente. N’ayant plus d’argent, il demanda à l’échanger contre son burnous. Les copies d’ouvrages de Lmuhub, dont plusieurs ont été identifiées à partir de l’écriture, déterminent ses domaines d’intérêt : fiqh, science de la nature, médecine traditionnelle, science des héritages, tasawwuf, hadith, contes, disciplines linguistiques, poésie, tafsir, ‘aqida, histoire et bio-bibliographie, astronomie, science du calcul. L’analyse de l’oeuvre de Lmuhub permet de mettre en évidence plusieurs aspects : sa production, ses consultations juridiques, sa correspondance, ses notes relatives à l’histoire locale, ses généalogies, sa maîtrise de certains domaines de l’astronomie… Arezki, le gestionnaire Arezki est né en 1856. Ses écrits sont très peu nombreux. Cependant, son rôle dans la préservation et la gestion de la khizana de son père (après la mort de Lmuhub) est essentiel. Des écrits de trois de ses enfants (Lbachir, Lmahdi et Ahmed) figurent dans la collection. Ceci n’est pas le fruit du hasard. En effet, Arezki a accordé un intérêt particulier à leur éducation. Il a ramené un instructeur à Tala Uzrar. Yaïche Mokrane al-Hafidhi y est resté sept ans. Sur une note répertoriée DV n° 15 (Aïssani et al., 1996 : 164), nous pensons avoir identifié le montant de son salaire (Arba‘a Doria ?). 28. Sans revenir à la maison. 29. Ce marché est cité par Lhucine al-Wartilani. Lbachir Ulahbib Né à Beni Yala en 1876/1293 h., Lbachir Ulahbib a suivi à Ath Chebana les enseignements de cheikh Sa‘id Abehlul30. Il fût l’héritier direct de la khizana. Il semble qu’il ait quitté Tala Uzrar assez tôt pour exercer les fonctions d’imam dans plusieurs villages31. Lmahdi, source de détermination des dates Lmahdi (1892-1973) a quant à lui poursuivi ses études dans les zawiyya d’Ath Chebana, Ath Urtilan, Ath Yala et Akbou32. Il eut comme maître Muhammad Sediq b. Yahia. Ce dernier avait fait des études à Akbou, cf. DOLI n° 07 (Aïssani et al., 1996 : 94). Lmahdi était versé dans l’astrologie, l’astronomie et était la personne la plus compétente dans la région pour pouvoir déterminer les fêtes religieuses, les périodes de cultures… Ses écrits se rapportent à différents domaines : tasawwuf, ‘aqida, poésie, astrologie, science de la nature, fiqh, astronomie et agriculture. Ahmed, le politique Ahmad (1900-1991) est probablement le personnage le plus politisé de la famille. Nous ignorons si les deux années qu’il a passées en France en 1926, y sont pour quelque chose33. Ahmed Ulahbib a été candidat à plusieurs élections locales, dans la première moitié du XXe siècle, au niveau de la commune mixte du Guergour. Au début de la révolution, il aurait brûlé certains documents pouvant être compromettants34. Les femmes de la famille Les femmes de la famille ne devaient pas être concernées par la culture écrite. Ainsi, selon un témoignage oral, Ait Hamouda ‘Adada35 (épouse de Lmahdi, décédée en 1953) ne savait ni lire ni écrire. Cependant, elle connaissait (par coeur) la Wadhifa az-Zerrukiya et la Wadhifa Yahia al-‘Aydli. C’est par son intermédiaire que le patrimoine oral de la famille a pu parvenir jusqu’à nous (Aïssani, Adjabi et al., 1996). 30. Il semble que Cheikh Abahlul ait été l’un des maîtres de Fudil al-Wartilani. Il a enseigné à la zawiyya de Sidi Musa de Tinebdar (Ath Waghlis). Son tombeau se trouve au Mausolée de Sidi Musa. 31. En 1933, Lbachir était imam au village Taghramt (Beni Afif ). Il excerca également à Rasfa (Zakou). 32. Al-Hafnawi rapporte à propos de la zawiyya Sidi Sa‘id b. Abi Dawud d’Akbou, qu’elle était « en Algérie centrale et orientale, la meilleure de toutes les zawiyya de ces trois derniers siècles ». Elle fût l’un des centres de diffusion de sciences (‘Ilm), de théologie, de grammaire, d’astronomie et d’arithmétique les plus importants de tout le pays Zwawa et jusqu’à Constantine à l’est, Laghouat au sud et Médéa à l’ouest (al-Hafnawi, 1991 : 2 ,289). 33. Dans la collection figure une attestation de travail, comme manoeuvre spécialisé en construction mécanique (oct. 1924-1926) de la Maison Léon-James, cf. Ms. DV N° 15 (Aïssani et al., 1996 : 165). 34. Il semble qu’il y avait notamment des photos. 35. ‘Adada Ait Hamouda est la fille de Lbachir U Hamuda, érudit et homme politique de la région de Sidi Yidir. Culture orale et culture écrite Mouloud Mammeri porte un jugement très dur à propos du niveau des lettrés locaux. Il affirme ainsi « qu’il y avait longtemps que la culture savante, c’està- dire écrite, avait cessé en Maghreb d’être pourvoyeuse d’idées, si même elle l’avait jamais été de façon massive »36. Il explique que « sa seule existence, même purement symbolique, excluait tout autre forme de recherche ou d’expression ». Il conclut enfin par sa conviction que « l’oralité de la culture kabyle en 1850, si on la considère du point de vue de sa privation des avantages considérables que procure l’écrit, c’est sa malédiction, mais du point de vue de sa relative indépendance par rapport à un écrit atrophié, atrophiant, c’est sa chance » (Mammeri, 1990 : 19). Ce point de vue est dû probablement à une vision restrictive de ce qu’est la culture savante. En effet, il paraît évident que dans l’esprit de Mouloud Mammeri, cette culture se limite aux disciplines littéraires et théologiques. Or même dans ces domaines, les non lettrés (du point de vue de l’écriture arabe) n’avaient pas le monopole de l’oralité (du point de vue de la langue berbère). Ainsi, la famille Ulahbib possède un fond oral appréciable (en langue berbère) : témoignages, contes, poèmes, dictons, proverbes… (Gehimab, 1996). À titre d’exemple, nous reportons ici ces deux fragments de Qasa’id : 1. A Rrsul i bγiγ d udem-ik 1. O prophète, je veux voir ton visage Dεiγ s lwaldin-ik je t’implore par tes parents D myat ktub u rebεa et les 104 livres D kra w- w’iddan d ubrid-ik et de ceux qui ont emprunté ton chemin A Rrsul b bγiγ an- nemlil O Prophète, je veux te rencontrer Dεiγ-k-id s Sidna Smaεil je t’implore par Sidna Smail Iεedda Babas a-t-yezlu que son père allait égorger Yusa-d ikerri d uk ßil et un mouton noir arriva 2. Ay agellid (a)Rebbi 2. O grand Seigneur A win iεelmen i wul-iw celui qui connaît tout Dεiγ k-id s Muhemmed ccrif je t’implore par Muhammed le noble I tŗebba Hlima élevé par Halima Ay aεlam i- leγyub O savant des mystères Dεiγ - k-id s εεli bu- lhiba Je t’implore par Ali l’élégant G lğennet an- nezdeγ leεli au Paradis nous habiterons les hauteurs An- neqyyel seddaw ţţuba on se reposera sous un arbre du paradis La question essentielle qui se pose est de savoir pourquoi ce patrimoine n’a pas fait l’objet d’écrits. En effet, le document répertorié DV n° 03 (Aïssani et 36. Ici, M. Mammeri émet un doute sur la présence d’un mouvement d’idées qui aurait accompagné les grands empires du Moyen Âge et qui aurait été à leur hauteur (Mammeri, 1990 : 19). Ce point de vue n’est pas conforme à nos propres conclusions (Aïssani, 1993). En effet, contrairement à ce qu’il affirme, Ibn Khaldun et Ibn Rushd étaient présents « en pleine montagne irrédente et en pleine berbérité » (Aïssaniet al., 1996 : 3). al., 1996 : 94) semble indiquer que les enfants, qui suivaient des enseignements (en arabe) avaient recours aux caractères arabes pour exprimer leurs pensées (en berbère). Ce qui est surprenant, c’est qu’à l’exception du manuscrit répertorié KA n° 22 (Aïssani et al., 1996 : 154), aucun autre écrit (Qasa’id, Khutba ou autre) en langue berbère n’a été réalisé par des membres de la famille. C’est la découverte récente de la khizana de Lmuhub Ulahbib (reconstituée depuis et cataloguée) qui permet de cerner avec précision la culture savante disponible au sein de cette famille de lettrés locaux au milieu du XIXe siècle. En effet, parmi les 570 documents répertoriés plus d’une centaine ont été rédigés par des membres de cette famille. Il est probable qu’avant la naissance de Lmuhub, la famille Ulahbib disposait de quelques manuscrits. Cependant, la bibliothèque n’a commencé à se constituer qu’après le retour de Lmuhub à Tala Uzrar37. La majorité des ouvrages de la bibliothèque proviennent de copies faites par les membres de la famille (Lbachir, Lmuhub, Arezki, Lbachir, Lmahdi), des échanges et d’achats38. Utilisation de l’écriture À l’heure actuelle, l’idée qu’on se fait de la culture savante disponible en Kabylie au milieu du XIXe siècle est que cette dernière se limitait à l’assimilation de quelques connaissances rudimentaires : « un Coran peu compris, une grammaire souvent ésotérique et quelques manuels médiévaux (principalement de droit) » (Mammeri, 1990 : 20). Par ailleurs, les écrits ne concerneraient que « les données généalogiques et littéraires » (Nacib, 1970). L’analyse des écrits des membres de la famille Ulahbib permet de constater que l’usage de l’écriture et de la lecture avait un champ d’utilisation beaucoup plus vaste. Les domaines d’intérêt de chacun d’entre eux ont été cernés précédemment. Le seul personnage dont la production paraît conséquente et qui peut être considéré véritablement comme « savant » est Lmuhub. L’apport des autres dans certains domaines est évident : Lbachir (copie d’ouvrages), Arezki (rôle dans la préservation et la gestion de la bibliothèque), Lmahdi (pratiques astrologique et astronomique), Lbachir Mechehed (activités d’imam et de jurisconsulte), Ahmed (engagement politique). La copie d’ouvrages Il est probable qu’au début du XIXe siècle, des membres de la famille Ulahbib avaient copié quelques ouvrages. Cependant, c’est certainement sous l’impulsion de Lmuhub que s’est développé cette pratique. Ainsi, Lbachir Ulahbib a grandement contribué à la constitution de la khizana, notamment par la copie d’une 37. Le premier écrit (identifié) copié par un membre de la famille date de 1843. 38. À titre d’exemple, nous avons trouvé sur un ouvrage de médecine traditionnelle la note suivante : « Acheté par cheikh al-Muhub pour 1/4 de Ryal à Sidi Muhammad at-Tahar al-‘Aydli »......a suivre | |
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| ....vingtaine d’ouvrages. Ces copies ont principalement été identifiées à partir de l’écriture. L’analyse des copies datées montre que la période pendant laquelle il s’est consacré à la copie correspond aux années 1854-1859, c’est-à-dire dans les dernières années de sa vie. Parmi celles qui méritent d’être signalées : des copies de qasa’id en arabe populaire. La plus ancienne copie identifiée de Lmuhub Ulahbib date de 1843, alors que la plus récente correspond à l’année 1884. Les copies identifiées permettent de bien situer les domaines d’intérêts du copiste sans pour autant statuer valablement sur son niveau. Il est possible d’identifier la période où Lmuhub a eu accès à des ouvrages lithographiés. En effet, à partir d’une certaine période, les feuillets de ses écrits sont numérotés et il présente une table des matières. Il est probable que l’apparition de livres lithographiés (en Kabylie) ainsi que la consistance de la khizana aient entraîné une diminution sensible de la pratique de la copie d’ouvrages. En effet, Arezki n’a copié qu’un seul ouvrage (parmi ceux identifiés) alors que nous n’avons retrouvé de Lbachir que trois copies : linguistique (DL n° 29) et poésie (LIT n° 41, LIT n° 49) (Aïssani et al., 1996 : 111). La copie d’ouvrages répondait souvent à un besoin précis. Ainsi, dans une lettre à Lmuhub, Muhammad Sa‘id Ben Tayeb lui demande un ouvrage d’Ibn ‘Asim. Il précise « même auprès de quelqu’un d’autre et s’il le faut, je le copierai ». Les copies se faisaient à des endroits divers. Ainsi, alors qu’il s’était rendu chez le cheikh Lembarek Sayyid al-Muwafaq, Lmuhub y a copié en 1843 la Qasida, Qissat fi Zaman ‘Isa39. Les activités judicaires Tous les membres de la famille ont eu des activités de jurisconsulte (organisation judiciaire, actes notariés…). Lmuhub Ulahbib avait reproduit un spécimen 39. Cet écrit est répertorié LIT n° 40 (Aïssani et al., 1996 : 108
pour la rédaction des actes notariés40, basé sur « la méthode de ‘Ali Ulahbib ». Il s’agit probablement de ‘Ali b. Muhammad b. Sa‘ad Ulahbib, rédacteur en 1825/1240 h. d’un pacte, répertorié ANR n° 05 (Aïssani et al., 1996 : 176). Ce document est la copie d’un acte rédigé précédemment41. Quatre personnages importants y témoignent sur le sens de la justice et le savoir de ‘Ali Ulahbib. Nous n’avons pas pu situer sa filiation par rapport à la branche des descendants de Lmuhub. Dans la première moitié du XXe siècle, deux petits fils de Lmuhub vont perpétuer les traditions de la famille, mais à des niveaux différents. Lbachir Ulahbib (Mechehed) a continué dans le même sens42. Quant à Ahmad, la découverte de deux de ses cahiers manuscrits43 (figurant dans la collection) prouve qu’au début des années trente il a exercé des fonctions d’administrateur judiciaire, probablement auprès du tribunal de Bougaâ44. Opérations de calcul Nous avons répertorié SC n° 14 (Aïssani et al., 1996 : 20) plusieurs écrits isolés sur les opérations de calcul. Cependant, de nombreuses opérations figurent dans la marge de certains manuscrits, cf. par exemple, Ms. ASL n° 04 (Aïssani et al., 1996 : 41). Il serait intéressant de comprendre la manière de procéder au XIXe siècle. Il est probable que la plupart de ces opérations aient été effectuées par Lmuhub Ulahbib. La pratique astrologique Des formules isolées figurent sur de nombreux manuscrits. Nous avons regroupé celles qui se trouvent sur des feuillets isolés (non identifiés) sous la référence SC n° 14 (Aïssani et al., 1996 : 20). Certaines d’entre elles ont un rapport avec le système Khatt ar-Rmal45. Ce dernier permet de « prédire l’avenir et tirer des augures (al-Fal) ». Par ailleurs, nous pensons avoir identifié dans la collection46 deux systèmes (qui semblent être apparentés) de numérotation par les lettres de l’alphabet : 40. Cf. Ms. DV n° 10 (Aïssani et al., 1996 : 164). 41. La date y figure, mais nous n’avons pas pu la déchiffrer. 42. Lbachir a rédigé différents actes, répertoriés AR n° 10 (Aïssani et al., 1996 : 183). Ils sont datés de 1904, 1908, 1909, 1912, 1938. 43. Le premier comprend des centaines de noms de différents villages (il s’agit probablement des personnes convoquées à des audiences, période 1931/1932). Le second concerne l’état civil des habitants de certains villages, avec éventuellement les changements de domicile (il date probablement du milieu des années cinquante). 44. Un témoignage oral précise qu’il a été secrétaire du Qadi al-Mahdawi de Bougaâ. 45. Les règles de cette technique sont contenues dans l’ouvrage Kitab al-Fasl fi ‘Ilm ar-Rmal de Muhammad az-Zenati (lithographié et non daté). Une étude de ce système a été réalisée par le Dr Perron en 1845, puis par Ibn Chuaïb en 1906 (Ibn Chuaib, 1906 : 62). az-Zenati prétend que les règles contenues dans son livre ont été suggérées en rêve au prophète Idris (L’Enoch de l’Ancien Testament). Il est aussi considéré dans le monde islamique comme le fondateur des sciences célestes et de la philosophie. Certains l’identifient à Hermès Trimégiste, qui lui même les aurait transmises à sa postérité (Ibn Chuaib, 1906 : 62 Usages de l’écriture et production des savoirs… / 253 REMMM 121-122, 239-259 — Le système d’al-Buni (pour les chiffres donnés par des lettres). Ce système est constitué de neuf lettres. Il semble que tous les membres de la famille le maitrisaient (en particulier Lmahdi). Il est probable que ce soit Lmuhub qui l’ait transmis à ses descendants. — Le système d’Abu Ma‘shar (Halimi, 1981 : 114). Les observations astronomiques Deux membres de la famille étaient versés en astronomie : Lmuhub et Lmahdi. En effet, nous avons identifié de nombreux écrits relatifs aux méthodes de détermination de dates (Premier Muharam, Premier Yennayer). En particulier l’écrit de Lmuhub répertorié ASN n° 20 (Aïssani et al., 1996 : 37) concerne la détermination des horaires de la prière. Son intérêt pour l’astronomie est confirmé par ses nombreuses copies des traités d’Abi Miqra’ (XIIIe siècle) et d’as-Susi (XVIIe siècle). Des notes identifiées indiquent qu’il a prêté plusieurs traités de cette discipline47. Quant à Lmahdi, des témoignages oraux précisent qu’il était la source principale de détermination des dates (fêtes religieuses, périodes de cultures,…) de toute la région, comme le prouve une de ses correspondances avec Naser Ben Naser48, membre fondateur de l’Association des Ulémas. Agriculture et médecine traditionnelle La pratique de la médecine traditionnelle concernait principalement deux membres de la famille : Lmuhub et Lmahdi. On peut en avoir une idée à travers leurs écrits relatifs à la botanique49, à l’agriculture50 et à l’éducation sexuelle (Aïssani, Adjabi et al., 1996). En particulier, Lmuhub a été au centre d’une importante circulation de traités de médecine51. La production intellectuelle Seuls Lmuhub et Lmahdi ont probablement rédigé des écrits originaux. La production (commentaires, abrégés…) de Lmuhub n’a pas pu être cernée avec précision. Cependant, il est possible d’identifier les ouvrages qu’il a rédigés. En 46. Cf. Ms. ASN n° 19, LIT n° 50, LIT N° 53 et SC n° 10 (Aïssani et al., 1996). 47. Ainsi, Il a prêté le manuscrit Hashiat Ibn ‘Ali ash-Sherif ‘ala ‘Ilm al-Falak Susi (astronomie) à Cheikh Tayeb b. Muhammed Ameziane (Imam à Tighilt). De même, il a prêté l’ouvrage al-Hashimiya ‘ala ‘Ilm al-Falak à un lecteur inconnu. 48. Naser b. Naser était président du Bureau de Bougaâ de l’Association des Ulémas (Wartilani, 1934 : 329). 49. Des commentaires de leurs mains figurent sur le traité d’Ibn al-Baytar (Aïssani et al., 1996 : 76). 50. Un poème copié par Lmuhub Ulahbib permet de retenir les périodes propices aux cultures (olives, figues…). Une de ses notes indique qu’il a prêté l’ouvrage al-Mugharasa d’al-Mejaji au Caid Sid Ben ‘Abid. Par ailleurs, nous avons retrouvé un calendrier agraire copié par Lmahdi. 51. Par ailleurs, durant cette période, il a notamment emprunté : un traité de science de la nature, Isharat Tuyur wal-Azhar (qui contenait plusieurs dessins sur les animaux et les arbres), al-Waqwaq, ainsi qu’un traité de médecine. effet, nous avons fait la différence entre ses propres écrits (katabaho) et ceux qu’il a copié (nasakhaho). C’est surtout dans le domaine du fiqh que nous avons retrouvé le plus grand nombre d’écrits. L’analyse de ces derniers pourra nous renseigner sur son niveau et sur son apport. L’écrit de Lmahdi qui nous parait le plus précieux est un petit commentaire de la ‘Aqida as-Sughra d’al-Sanusi en langue berbère (de caractères arabes). Il s’agit d’un traité sur la science de l’unité de Dieu (‘Ilm at-Tawhid). Son existence pourra permettre de mieux situer l’apport de la langue berbère dans l’action des religieux devant prêcher auprès des berbérophones. Par ailleurs, nous avons retrouvé une khutba de Lbachir Ulahbib. Elle date de l’Aïd al-Fitr 1859/1275 h. Une autre khutba d’Ahmad figure également dans la collection. Elle a été rédigée en 1921. Les consultations juridiques L’analyse des consultations juridiques de Lmuhub Ulahbib permet d’identifier ses ouvrages de référence : Sahnun, Qamus, al-Hattab, al-Banani, az-Zarqani, Sanhîri, Fatawi al-Machdaly, Kitab al-Mugharasa li ‘Ali al-Mejaji, Myara, al- Laqani, Nawazil Ibn Rushd, Ibn ‘Arafa, Lekhmi, Kitab Dala’il wal-Adhdad, Durar al-Maknun fi Nawazil Mazuna, Tabsirat Ibn Farhun, al-Uqbani… Dans une information contenue dans le manuscrit DV n° 08 (Aïssani et al., 1996 : 163), on peut avoir une idée de l’importance de ses consultations. En effet, les habitants du village Ibouzelatan des Ouled Qasa, non convaincus par le jugement prononcé par Ahmad b. Naser al-Khalfi, sont venus voir Lmuhub Ulahbib pour trancher (à propos d’un problème d’héritage). La correspondance Les lettres ont une importance particulière. En effet, Lmuhub Ulahbib a entretenu une importante correspondance avec plusieurs personnalités religieuses (cheikh de zawiya, imam de village, cadi…) extérieures à la Kabylie ((Aïssani, Adjabi et al., 1996). Ainsi, dans la lettre répertoriée COR n° 33 (Aïssani et al., 1996 : 174), Ahmed b. Muhammad b. Naser52 répond à une question de Fiqh que lui avait posé Lmuhub. Quant aux lettres d’Ahmad Ulahbib, elles ont un intérêt pour les évènements politiques locaux de la première moitié du XXe siècle. Les témoignages sur l’histoire locale Lmuhub est le seul qui ait fréquemment rédigé des notes isolées. Ces dernières contiennent des informations essentielles sur l’histoire locale : insurrection de 1864, famine de 1877, épidémie de 1753, arrivée des criquets en 1850, prix des produits, technique de calcul… (Aïssani, Adjabi et al., 1996). Ainsi, sur le 52. Nous ignorons si ce personnage a un lien de parenté avec le copiste du manuscrit SC n° 11 (Aïssani et al., 1996 : 19). | |
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| manuscrit KA n° 02 figure la note suivante : « Le 29 Dhy Hidja 1276 de l’hégire à 7 heures, étaient présents, le Qadi Muhammad La‘arbi Ben Mesbah et le Faqih Muhammad Seghir Benkhelifa al-Fetzatti pour assister à un héritage entre cheikh Lmuhub et son frère La‘arbi. Il s’est produit une éclipse totale du soleil ». Certaines de ces notes permettront notamment de reconstituer le milieu intellectuel de la région d’Ath Urtilan au milieu du XIXe siècle. Apprentissage des langues anciennes Lbachir Ulahbib a manifesté de l’intérêt pour certaines langues anciennes. Ainsi, sur le manuscrit répertorié DL n° 40 (Aïssani et al., 1996 : 94), nous avons identifié l’alphabet syriaque53. Les 29 lettres qui y figurent sont chacune identifiées à une lettre de l’alphabet arabe. Elles ont été rédigées par Lbachir Ulahbib en 1857/1274 h. Au début du texte figure la phrase suivante: « Ceci est l’alphabet syriaque, pour ceux qui voudront l’enseigner à leur frère, leur fils ou leur ami ». Par ailleurs, sur le manuscrit ASL n° 19 figurent 14 lettres de l’alphabet latin. Sous chaque lettre figure la lettre arabe correspondante. Précisons que l’ordre correspond à celui de l’alphabet arabe : a, b, t, h, g, l, k, m, n, s, e, i, r. Enfin, un alphabet non identifié a été repéré à deux reprises. Dans le manuscrit DL N° 40, il comporte 28 lettres. il est précisé qu’il s’agit du Qalam at-Tabi‘i. Le copiste écrit, « nous présentons cette écriture, car elle est très demandée. Il s’agit d’une ancienne écriture utilisée par les savants « naturalistes ». Les activités politiques Nous n’avons pas de témoignages sur les activités politiques des premières générations. Cependant, Lmuhub donne des informations sur la répression en 1865/1281 h54. Il précise notamment que les emprisonnements n’ont épargné ni les femmes ni les vieux. La phrase suivante est significative : « à tel point qu’on souhaitait la mort » (cf. document répertorié DV n° 04 (Aïssani et al., 1996 : 163). Par ailleurs, il aurait eu deux armes à feu : une carabine (bunduqiya) et un pistolet (kabus)55. Le plus politisé de la famille est incontestablement Ahmad. Selon son propre témoignage, il aurait participé le 4 juin 1931 aux élections, lors de la fondation de l’association des ulémas56. 53. Il s’agit d’une langue sémitique ancienne, parlée dans la Mésopotamie septentrionale. 54. Lmuhub s’était déplacé à Ath Yala pour ramener la dépouille de son frère Mohand Amokrane. Il raconte les brimades dont il a été victime de la part du Caid Bendjeddou. 55. Le premier aurait été remis aux Moudjahidines en 1954, alors que le second a été offert par Lmuhub à son beau fils, cf. document répertorié DV n° 15 (Aïssani et al., 1996 : 165). 56 Son témoignage est à ce propos très précis : Ibn Badis (président), Bachir al-Ibrahimi (vice-président), Tayeb al-Okbi (deuxième vice-président), al-Mili (trésorier), Ahmed Bouchemal (directeur du journal), Tebessi, al-‘Amudi, al-‘Ababsa Abu Yala az-Zwawi, Cheikh al-‘Aid Abu La‘id al-Khalifa, Yahia U Hamoudi : membres. Il ajoute : « avec la participation de Fudil al-Wartilani La présence dans sa correspondance d’une lettre de Mulud Seddiq al-Hafidhi57 peut laisser penser qu’il avait des rapports avec l’Association des ulémas Ahl as-Sunna58. Un témoignage oral précise qu’il avait été chargé (avec Salah Uhama du village Luta n’Tkurth - Bougaâ) par l’Association des ulémas d’accompagner Yahia U Hamoudi du village Ulmudhen-Ath Urtilan à Alger59. À propos de l’Association des ulémas, un témoignage oral précise que le frère d’Ahmad, Lmahdi, refusa d’y adhérer en 1934, malgré l’insistance de Fudil al- Wartilani60. Ahmed Ulahbib a été candidat à des élections locales. Parmi les nombreux bulletins de vote retrouvés dans ses archives, on retrouve son nom à trois reprises sur la liste Zeriati61, notamment au scrutin de Ballotage du 24 septembre 1945 et aux élections de la Djemaâ du 14 avril 1953 (Ain Legradj-Commune mixte de Bougaâ). Dans un tract manuscrit62, Ahmad avait lancé un appel aux électeurs à voter pour ceux qui défendront leurs intérêts et à ne plus voter pour ceux qui depuis 25 ans les représentent sans défendre leurs intérêts. Les généalogies Les généalogies63 de Lmuhub Ulahbib peuvent notamment servir à identifier certains livres qu’il a pu consulter : Tabsirat, Rihla… En effet, dans un écrit daté de 1884/1301 h., Lmuhub affirme que sa famille est descendante de Mulay Idris al-Akbar64. Il écrit notamment que « ceux qui ne le croit pas peuvent se référer aux ouvrages d’Ibn Farhun (Tabsirat)65 et d’al-Wartilani (Rihla) ». 57. al-Hafidhi Mulud Seddiq, mort en 1947 a enseigné à la zawiyya ‘Abd ar-Rahman al-Yalluli. Il semble qu’il ait été l’un des premiers à répondre à l’appel d’Ibn Badis en 1925 pour la création d’un parti politique religieux réformiste (cf. Revue Chihab n° 3, nov. 1925). Il a participé à la fondation de l’Association des ulémas en 1931, mais s’est retiré par la suite avec les cheikhs de zawiyya qui vont fonder l’Association des ulémas Ahl as-Sunna (Boucenna, 1996). Il en fut le premier président. 58. À ce propos, il semble que le premier bureau, issu du 5 mai 1931, était composé d’ulémas et de maraboutiques traditionalistes. Selon el-Korso, « ces derniers ne pouvant donner à l’AOMA l’orientation qu’ils voulaient, se retirèrent en mai 1932 et fondèrent aussitôt l’Association des ulémas sunnites d’Algérie » (El Korso, 1988 : 98). 59. Selon un écrit d’Ibn Badis, Yahia U Hamoudi y a fait un discours en kabyle qui aurait eu un impact certain. Ibn Badis précise ensuite que s’il l’avait retenu, il l’aurait publié dans son intégralité (Ibn Badis, 1936 : 605). Un autre témoignage oral précise qu’Ahmed était un ami de Bouchemal. Ce dernier a été rédacteur des journaux al-Muntaqid et Chihab. 60. On ignore les raisons de ce refus. Il est probable que ce soit en rapport avec les divergences apparues entre les différentes tendances (Boucenna, 1996) ou bien en rapport avec ses activités dans le domaine de l’astrologie et de la médecine traditionnelle. 61. Cette liste porte le nom de « Concorde Franco-Musulmane ». 62. Ce tract, non daté et relatif à des élections locales a également été retrouvé, cf Ms DV n° 14 (Aïssani et al., 1996 : 164). 63. Cf. par exemple dans le manuscrit répertorié DL n° 03 (Aïssani et al., 1996 : 84). 64. Il s’agit d’un descendant de l’imam Ali (calife). Rappelons ici qu’à l’époque la plupart des marabouts cherchaient à établir un lien entre leur famille et celle du Prophète.
Lmuhub Ulahbib affirme par ailleurs que son ancêtre Aïssa Ulahbib est descendant de Yucef al-Wanughi (XVe siècle)66. Gestion d’une bibliothèque La vision qu’avait Lmuhub sur l’utilisation de sa bibliothèque est bien précisée dans ses waqfs : « mes ouvrages […] rédigés, copiés ou achetés […] doivent servir à ceux qui possèdent des connaissances et à ceux qui recherchent le savoir ». Plus loin, il ajoute « j’interdis tout ajout ou rature ! ». Dans ses calepins, Lmuhub Ulahbib notait les titres des ouvrages prêtés et empruntés67. Le rôle d’Arezki dans la préservation et la gestion de la khizana de son père (après la mort de Lmuhub) est essentiel. Il a fait un inventaire des ouvrages de la khizana (répertorié DV n° 06) et a continué à entretenir des rapports avec certains des correspondants de son père (prêts de manuscrits). Après lui, c’est son fils Lmahdi qui a le plus utilisé la khizana. En effet, il est également l’auteur d’un inventaire des ouvrages, répertorié DV n° 05 (Aïssani et al., 1996 : 163), dans lequel il précise : « voilà ce que nous a laissé notre ancêtre as-Sayid Muhammad Lmuhub de Kuttub (livres) et de Kararis (cahiers). Parqué dans un camp en 1957, il avait demandé à sa bru, Zahira, de « sauver ses livres » (Gehimab, 1996). * * * La découverte, la reconstitution et la réhabilitation d’Afniq n’Ccix Lmuhub (La khizana de cheikh Lmuhub) ont déclanché une véritable prise de conscience. Aujourd’hui, de nombreuses bibliothèques sont devenues accessibles (celle des Boudaoud à Taslent, celle de cheikh Ouamara à Tilmiouine, celle des Usahnun à Taghrust…). Cette nouvelle donne permet de défricher de nombreuses directions de recherche. À titre d’exemple, il est possible de cerner l’efficacité de la transmission à travers l’analyse des documents et témoignages relatifs au système de détermination des dates (Muharam, Yennayer). En particulier, il sera possible de confirmer (ou d’infirmer) l’hypothèse émise ces dernières années selon laquelle la répression qui a suivi l’insurrection de 1871 en Kabylie a été à l’origine de la baisse du niveau des connaissances des lettrés locaux. 65 Ici, Lmuhub Ulahbib fait une erreur. Il confond probablement le célèbre traité du juriste de Médine avec le livre Tawarikh al-Akhbar wa Ta‘rif bi Nasb an-Nabi al-Mukhtar. En effet, c’est dans cet ouvrage de ‘Ali Ibn Farhun (1298-1345) qu’il est question de généalogie. Cet auteur, d’origine tunisienne, avait beaucoup voyagé en Orient. 66. Cette information est reproduite par Lmahdi dans une de ses généalogies (cf. Ms. LIT n° 56.). 67. La découverte de ces calepins ainsi que différents autres écrits permettent d’avoir une idée précise de la circulation des textes dans la région, dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Ces documents donnent également la possibilité de reconstituer l’entourage intellectuel de Lmuhub et par là même, de cerner avec précision le milieu des érudits de l’époque. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES AÏSSANI Djamil, 1993, Bougie à l’époque médiévale : les mathématiques au sein du mouvement intellectuel, IREM Ed., Rouen, 112 p. AÏSSANI Djamil, ADJABI Smail, MECHEHED Djamel et RADJEF MOHAND Saïd, 1996, « Afniq n ccix Lmuhub : une bibliothèque de manuscrits au fin fond de la Kabylie », in Proceedings of the Second European Conference EURAMES, Aix-en-Provence. AÏSSANI Djamil, MECHEHED Djamel et al., 1996, Manuscrits de Kabylie : catalogue de la collection Ulahbib, GEHIMAB Ed, Béjaia, 215 p. BENCHENEB M., 1905, « Études sur les personnages mentionnés dans l’idjaza du cheikh Abdelkadir al-Fasi », in Actes du XIVe Congrés international des orientalistes, Alger : 168-535. BENHABYLES C., 1914, L’Algérie française vue par un indigène, Fontana éd., Alger. 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GEHIMAB, Association, 1996, Afniq n Ccix Lmuhub : une bibliothèque de manuscrits au fin fond de la Kabylie, exposition, Théâtre Régional de Béjaia. — Influence de la pensée de cheikh Aheddad sur la vallée de la Soummam et le sud-est de la Kabylie. Exposition, Commémoration du 125e anniversaire de l’Insurrection de 1871, Seddouk. GRANDGUILLAUME G., 1976, Nédroma, l’évolution d’une Madina, Leinden. AL-HAFNAWI A.M., 1991, Ta‘rif al-Halaf bi Ridjal as-Salaf, ENAL, Alger, 1991. HALIMI A., 1981, « Les mathématiques chez les Arabes », al-Asala, 89/90 : 114 suiv. HENAUT G., 1888, « La commune mixte du Guergour », in L’arrondissement de Bougie. IBN CHUAIB A., 1906, « La bonne aventure chez les musulmans du Maghreb », Revue Africaine, (50) : 62-71. M. EL KORSO, 1988, « Structures islahistes et dynamique culturelle dans le MNA 1931- 1954 », in Lettrés, intellectuels et militants en Algérie, 1880-1950, OPU, Alger : 54-106. MAMMERI Mouloud, 1990, Cheikh Mohand a dit, Inna-Yas éd., Alger, 208 p. 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Djamil Aissani, Djamel Mechehed* * Association GEHIMAB, Laboratoire de recherche LAMOS. Université de Béjaïa, 06000 Algérie. | |
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