Elle était l’une des étoiles à l’affiche du 1er Festival panafricain d’Alger. Elle a su, avec talent, dépeindre un continent fier de sa culture tout en dénonçant les injustices.
Même après un exil de 31 ans, le destin a voulu que la voix légendaire du continent africain, l’auteur du succès Pata Pata, et l’un des symboles de la lutte anti-apartheid, l’artiste sud-africaine Miriam Makeba, surnommée «Mama Africa», rende l’âme loin de sa terre natale et en plein exercice de sa noble fonction qui est de chanter. Elle est décédée suite à une crise cardiaque dans la nuit de dimanche à lundi, après un concert en Italie. Elle venait de chanter durant une demi-heure, à l’occasion d’un concert en soutien à Roberto Saviano, l’auteur du film Gomorra, menacé de mort par la Mafia, à Naples. La chanteuse était montée sur scène en dernier, et attendait le rappel du public, lorsqu’elle a été découverte gisant sur le sol, évanouie. Transportée à l’hôpital, elle est décédée à la clinique Pineta Grande de Castel Volturno, des suites d’une crise cardiaque. De son vrai prénom «Zenzi» (diminutif de Uzenzile), Miriam Makeba est née à Johannesburg le 4 mars 1932. D’une mère Swazi et d’un père Xhosa, elle attira l’attention internationale en tant que chanteuse du groupe sud-africain The Manhattan Brothers, lors d’une tournée aux Etats-Unis en 1959. Le succès arriva pour Miriam Makeba avec Pata Pata, une chanson écrite en 1956 et enregistrée en 1962, reprise notamment par Sylvie Vartan sous le titre Tape Tape. En 1965, elle fut la première femme noire à obtenir un Grammy Award, partagé avec le chanteur Harry Belafonte pour leur disque commun, An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba. Comme il n’est un secret pour personne que l’Algérie a joué, dans les années 60 et 70, un très grand rôle sur la scène internationale, pour ses positions identiques, compte tenu de ses engagements en faveur de la lutte des peuples contre le colonialisme, le néocolonialisme, l’impérialisme, le racisme, le sionisme et l’apartheid pour leurs politiques de domination et d’oppression, Alger est devenue ainsi la capitale de ces révolutionnaires. D’ailleurs, Miriam Makeba est l’une d’eux. En 1972, elle était accueillie par M.Abdelaziz Bouteflika. En 1969, elle était l’une des étoiles à l’affiche du 1er Festival panafricain d’Alger, avec des titres réputés tels que Anna Hourra et Africa, aux côtés des artistes algériens, en l’occurrence Mohamed Lamari.
D’ailleurs son apparition à la salle Atlas clôt en apothéose le film éponyme de William Klein, un film produit par l’Oncic (institution étatique du cinéma algérien inspirée de l’Icaic cubain). Et c’est William Klein qui s’est chargé de donner une cohérence à un large matériel composé de prises de vues tournées par diverses équipes et d’archives de luttes anti-colonialistes en Afrique. Après le succès et la gloire avec une série de concerts dans le monde entier, l’Etat sud-africain l’avait déchue de sa nationalité pour sa participation à un film anti-apartheid, Come back to Africa, l’empêchant de revenir assister aux funérailles de sa mère et interdisant même sa musique. En 1969, Miriam Makeba épouse Stokely Carmichael, l’un des chefs des Black Panters américains, figure contestée de la lutte pour les droits civiques, ce qui lui vaudra de nombreux ennuis avec la justice américaine et l’obligera à s’exiler en Guinée. Elle divorcera quatre ans plus tard. En 1985, elle est faite Chevalier des Arts et des Lettres par la France. Mais la mort, cette même année, de sa fille unique, Bongi, à l’âge de 36 ans, et les ennuis d’argent, plongent la chanteuse dans la dépression. En 1987, alors qu’elle vit en Belgique, elle connaît un nouveau succès mondial en participant à l’album Graceland de Paul Simon. Après un long exil, elle revient dans son pays après la sortie de prison de Nelson Mandela, en 1990. En 1992, elle fait une apparition dans le film Sarafina, qui raconte les émeutes de Soweto en 1976. Six ans après, elle revient avec le disque Homeland qui contient une chanson décrivant sa joie d’être revenue dans son pays et dans lequel elle évoque l’apartheid. «J’ai conservé ma culture, j’ai conservé la musique de mes racines. Grâce à elle, je suis devenue cette voix et cette image de l’Afrique et de son peuple sans même en être consciente», a écrit la grande chanteuse africaine dans sa biographie.
L’Afrique perd l’une de ses plus belles voix pour la défense de la liberté et de la justice sociale. Elle a su, avec le talent immense qui la caractérisait, dépeindre un continent fier de sa culture tout en dénonçant les injustices.L EXPRESSION.