Malgré une propagande officielle qui aura duré plusieurs semaines, l’électorat convoité a affiché son indifférence par rapport à cette joute électorale.
Le spectre de l’abstention fait de plus en plus peur. La désaffection populaire qui a caractérisé la campagne électorale pour les législatives de jeudi prochain, clôturée hier à minuit, affole les tenants du pouvoir qui craignent une nouvelle sanction par les urnes, après celle de mai 2007.
Malgré une propagande officielle qui aura duré plusieurs semaines, l’électorat convoité a affiché, comme l’affirment de nombreux observateurs de la scène nationale, son indifférence par rapport à cette joute électorale. Et ce constat provoque déjà la panique générale.
Des ministres, soucieux visiblement de leur avenir politique et qui veulent garder leurs portefeuilles jusqu’à 2014, décident de jouer encore dans le temps additionnel de la campagne. Ils sont nombreux à tenter de montrer leur excès de zèle. Ils n’hésitent pas à s’en prendre à tous ceux qui s’inscrivent dans une autre démarche que celle délimitée par le pouvoir.
Les réactions les plus saugrenues sont celles des ministres des Affaires religieuses Bouabdallah Ghlamallah, de la Santé Djamel Ould Abbès et de la Culture Khalida Toumi.
En effet, M. Ghlamallah, qui est également cadre du RND, se permet même des «fetwas» pour appeler au vote après avoir interdit aux imams d’exploiter les mosquées à des fins politiques… qui n’arrangent pas le sérail.
Dans une déclaration faite samedi dernier à la Radio nationale, le ministre des Affaires religieuses n’a pas fait l’économie des qualificatifs pour s’attaquer aux partisans du boycott et aux abstentionnistes : «Ceux qui appellent au boycott des élections du 10 mai sont des hypocrites et ceux qui n’iront pas voter sont des lâches avec lesquels on ne peut ni construire une société ni établir un partenariat.» Et d’ajouter : «S’abstenir aux élections ce n’est pas une position, mais plutôt une fuite devant les responsabilités, un acte que ne doit pas faire un homme qui se respecte.»
Il ne manquait plus, pour lui, qu’à faire une référence au Coran pour dire aux Algériens que le droit de vote est «un devoir religieux qui s’ajoute aux cinq piliers de l’islam».
Ghlamallah décrète d’ailleurs que «le vote est un devoir avant d’être un droit et il rentre dans le cadre du respect de la règle ‘taât wali el amr’ (l’obéissance au dirigeant) qui y a appelé». Djamel Ould Abbès, dont le secteur connaît un bouillonnement depuis plusieurs mois, a, lui aussi, une seule priorité pour l’instant : les élections législatives.
Après un entraînement effectué en 2008, alors qu’il était ministre de la Solidarité nationale, en sillonnant le pays en quête de motions de soutien pour un troisième mandat pour le président Bouteflika, il a réuni les directeurs des CHU non pas pour discuter de l’état lamentable de nos hôpitaux, mais pour les inciter à faire campagne pour le vote. Selon des témoins, il aurait même juré, la main sur le cœur, que «les responsables de la santé des wilayas qui obtiendraient de bons taux de participation jeudi prochain seront récompensés».
Sa collègue au gouvernement, Khalida Toumi, semble plus rusée ; elle préfère se mettre derrière des artistes pour passer le même message.
La ministre de la Culture, très occupée auparavant par la kermesse de «Tlemcen, capitale de la culture islamique», multiplie, ces derniers jours, les hommages à des artistes en contrepartie d’un appel à un vote massif que les médias lourds (télévision et radio publiques) n’ont pas le droit de rater.
Ainsi, tous les efforts du gouvernement sont conjugués pour tenter d’obtenir une légitimité…
Madjid Makedhi El Watan, 7 mai 2012.