Le cinéma amazigh ghettoïse
Au moment où on parlait du cinéma algérien, voilà que le cinéma amazigh refait surface sur la chaîne de télévision communautaire Beur TV. Depuis quelques jours, une bande annonce, qui dure parfois plus de 10 minutes, annonce la sortie, le 20 avril prochain, du film Nous voilà revenus de Younès Boudaoud. Au moment où je m’attendais à voir une super production (on annonce que le film sortira en Mondiavision, personnellement je ne connais pas le concept), j’ai été étonnée de constater que l’annonce a été faite dans le but de rassembler de l’argent pour la sortie du film. J’ai été étonnée également par la qualité médiocre de la mise en scène et des comédiens. Mais cela dit, le réalisateur, qui n’est pas à sa première oeuvre, a mis le paquet pour réussir son coup.
Aqlagh Nughaled (Nous voilà revenus) ne se situe pas dans le temps ni dans l’histoire, il mélange tout. C’est le premier film de science-fiction kabyle à vouloir associer d’un coup plusieurs personnages de l’histoire berbère: Fadhma N’soumer, la reine chaouie Dihya, Si Muhand U M’hand, Cheikh Aheddad, Cheikh Muhend U L’hussin réapparaissent alors sur Terre afin de faire cesser ces injustices...Après Tennayi Yemma (Ma mère m’a dit), le réalisateur avait accusé Berbère TV de ne pas avoir rémunéré l’exploitation de son long métrage, puisque le film aurait été projeté à sept reprises dans la salle privée de la chaîne à Montreuil, sans compensations. Cette fois, Younès Boudaoud a choisi la chaîne Beur TV, concurrente de Berbère TV, pour la diffusion des productions audiovisuelles kabyles afin de médiatiser la sortie de son film. Ce qui est étonnant dans cette affaire, c’est cette mentalité et cette culture consistant à diffuser un film en tamazight en le ghettoïsant dans un quartier où une télévision n’est regardée que par les Kabyles. Pour les artistes kabyles, la culture berbère n’est-elle pas universelle? L’album d’Idir, Avava Inouva, n’a-t-il pas été chanté par plusieurs chanteurs chinois, français et même arabes. Les livres de Mouloud Mammeri et Si Muhand U M’hand n’ont-il pas été traduits en 20 langues? Pourquoi viser ou cibler une communauté, de surcroît, vivant à l’étranger, alors qu’on oublie que même l’Algérie et la Kabylie manquent de production algérienne amazighe. Il est temps pour les artistes kabyles d’universaliser leurs oeuvres, à condition que celles-ci soient techniquement correctes. C’est cette ghettoïsation qui avilit la culture berbère et la consacre comme culture communautaire au lieu d’une culture nationale. Et Berbère TV et Beur TV participent indirectement à cette ghettoïsation de la culture musicale et cinématographique.
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