Par :Souhila Hammadi
Bien qu’il soit mal cerné dans le pays, le Tdah (troubles de déficit de l’attention et de l’hyperactivité) touche les enfants algériens de la même manière que 5 à 8% de la population infantile dans le monde. Psychologues, pédopsychiatres et médecins scolaires tirent la sonnette d’alarme car cette maladie induit fatalement l’échec scolaire puis, plus tard à l’âge adulte, l’échec de la vie familiale et professionnelle.
Une quarantaine de parents ont suivi attentivement, jeudi dernier à la maternelle les Iris de Kouba, l’exposé de Mme Meriem Yousfi Hamada, psychologue et membre de l’Association d’aide à la prise en charge des enfants hyperactifs et leurs familles, sur les troubles liés au déficit de l’attention et de l’hyperactivité. “Dès que j’ai entendu parler d’une réunion sur les enfants en difficulté, j’ai compté les jours jusqu’à la date de la rencontre”, témoigne une mère de famille, qui évoque ses tracas avec sa benjamine de six ans. Les animateurs de l’association certifient que les parents, particulièrement la maman, sont en détresse devant le comportement anormal de l’enfant et surtout son incapacité à se concentrer sur un travail ou une tâche précise, d’où naissent d’énormes difficultés scolaires dès les premières années du cycle primaire. L’ignorance de ce qui convient d’appeler, désormais, une maladie à part entière, complique la situation de désarroi. “Ce n’est pas un échec de l’éducation parentale. Pourtant, la mère essuie des critiques, y compris du mari. Elle est en souffrance. L’enfant, qui est un fin psychologue, exploite cette faiblesse”, souligne Mme Yousfi Hamada. Le conflit du couple complique insidieusement les rapports enfants-parents et aggrave les symptômes de la pathologie, qui sont par ailleurs mal pris en charge car mal compris. D’autant que les gosses, atteints de troubles déficitaires d’attention associés ou non à une hyperactivité, ont tendance à rendre la vie dure à leur entourage, de la même manière qu’ils savent faire preuve de beaucoup de marques d’affection quand ils sont pris en main efficacement. “Je reproche aux parents de manifester de la pudeur à exposer le cas de l’enfant en difficulté. Vivre enfermé ne rend pas service ni aux uns ni aux autres. Il faut en parler”, conseille Mme Nacyra Maloum, présidente de l’association. La meilleure démarche à entreprendre est d’emmener l’enfant en consultation chez un psychologue d’abord, puis chez un pédopsychiatre, afin de diagnostiquer précocement le mal s’il existe réellement. “Il faut que les parents banalisent une visite chez le psychiatre. C’est comme se rendre chez le pédiatre. Ce n’est pas plus dramatique”, souligne Mme Yousfi Hamada. Souvent les parents ne prennent pas conscience immédiatement de la gravité des troubles dont souffre l’enfant. “On donne un nom qui n’est pas bon au comportement de l’enfant hyperagité. On dit qu’il est turbulent ou très actif, donc intelligent. C’est plus tard que cela devient grave quand on ne recours pas à un traitement”, atteste Dr Berrah, médecin scolaire. Jusqu’alors, il n’existe pas encore de test neurologique ou psychologique qui permette de détecter la maladie pour laquelle les scientifiques ne trouvent pas encore de causes probantes. C’est par recoupement d’un ensemble de symptômes et de conséquences que les médecins parviennent à la découvrir. Il est établi que le Tdah est diagnostiqué chez l’enfant de moins de 7 ans, qui présente au moins six signes apparentés à l’inattention ou à l’hyperactivité. Les troubles se manifestent de manière régulière et permanente dans la vie du gamin, et pas seulement à titre circonstanciel. Les indications cliniques du Tdah se profilent sous forme de déficit de concentration, impulsivité et hyperactivité motrice. Les symptômes accompagnateurs se déclinent en une fragilité émotionnelle et inacceptation des frustrations. Les conséquences se traduisent par un rejet familial, de l’agressivité et une baisse de l’estime de soi qui s’accentue à fur et à mesure que le gosse se rapproche de l’adolescence et davantage de l’âge adulte. L’échec scolaire, induit par de grandes difficultés à se concentrer sur les cours et les devoirs et à une certaine incapacité à assimiler et surtout à se rappeler des notions apprises, constitue l’effet le plus palpable de l’hyperactivité et du déficit de l’attention. D’autant qu’aux troubles d’apprentissage courants se greffe généralement la dyslexie (incapacité d’apprendre à lire). “Le taux insignifiant d’élèves qui arrivent à l’examen du baccalauréat sans avoir redoublé -1/100, selon une statistique fournie par une étude du Centre national d’études approfondies ou Ceneap, nous a interpellé. Nous avons associé cette tendance à des troubles d’hyperactivité et de déficit d’attention. Nous avons tous été (membres fondateurs de l’association, ndlr) confrontés à des enfants hyperactifs”, raconte Dr Berrah, médecin scolaire. Elle soutient qu’on commence à peine à parler de cette maladie en Algérie. Pourtant, elle se dit persuadée, par simple déduction empirique, que le pays est cadré dans les proportions globales du Tdah, qui touche 5 à 8% de la population infantile dans le monde. Eu égard au fait que la maladie n’est guère cernée en Algérie, à cause de facteurs variés, elle n’est pas systématiquement soumise à une prise en charge thérapeutique ni psychologique. Il est admis que pour les cas sérieux, la prescription de médicaments (neuroleptiques, antidépresseurs et psychostimulants), par des pédopsychiatres ou des neurologues, est recommandée, voire indispensable. Mme Hamada affirme, néanmoins, que le Ritalin, l’amphétamine le plus utilisé dans le monde pour le traitement du Tdah, n’est pas vendu en Algérie, au même titre que d’autres médicaments. Evidemment, quand il s’agit d’enfants, ce sont plutôt les traitements alternatifs, dont la thérapie psychosociale (rééducation en orthophonie et psychomotricité, soutien scolaire spécifique, aide psychologique…), qui sont privilégiés, notamment par les ascendants. À vrai dire, les parents sont appelés à agir avec l’enfant hyperactif de manière à canaliser son énergie excessive, ses tendances à se mettre continuellement en situation de danger, son émotivité à fleur de peau et à contrer ses penchant à la distraction au moment où il doit porter son attention sur une tâche précise. Mme Hamada affirme que la présence d’une corbeille à papier à proximité d’un enfant, qu’on a installée pour les devoirs scolaires, le distraira de sa tâche. “Il s’occupera de la corbeille et n’arrivera pas à se concentrer sur son travail.” Elle recommande de ne confier au gamin qu’une seule mission à la fois pour éduquer ses facultés de concentration et de lui permettre de menus écarts aux règles établies. Ce qu’elle appelle la fermeté bienveillante. La psychologue insiste, en effet, sur l’impératif d’astreindre le petit hyperactif au respect de règles préétablies, sans déraper sur une discipline draconienne contre-productive. “Les enfants hyperactifs ont besoin également d’être constamment encouragés, de savoir qu’on les aime, pour que leur estime de soi grandisse. Ils sont magnifiques”, conclut Mme Maloum, pour signifier que souffrir du Tdah n’est pas un handicap irréversible.
S. H