Thamurth Ith Yaala
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 Guenzet… au bout du monde

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tikka
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MessageSujet: Guenzet… au bout du monde   Guenzet… au bout du monde Icon_minitimeSam 21 Mar - 10:54

Guenzet… au bout du monde
Entre les villes de Sétif et Béjaïa, dans la partie occidentale et berbérophone du massif du Guergour, se situe Guenzet, modeste chef-lieu du territoire de la tribu des Ath Ya’la. Leurs voisins du village de Harbil raillent les Guenzatis pour leur situation excentrée et considèrent celle-ci comme une punition divine pour leur mauvaise langue. Quand les hivers sont rudes et qu’il neige normalement, Guenzet peut aujourd’hui encore se trouver dans un isolement presque total. À tel point qu’un récit du xixe siècle d’une expédition punitive contre les Ath Ya’la parce qu’ils avaient hébergé le chérif insurgé Boubaghla, montre toute l’hésitation des troupes françaises à aborder ce territoire du bout du monde.

Cet isolement fait apparaître comme plutôt paradoxal le portrait qu’en trace E. Carette (1848) dans Études sur la Kabylie proprement dite : on trouve à Guenzet, dit-il, des maisons à étages construites sur le modèle de celles d’Alger. Il y a plusieurs mosquées, dont une à minaret. Certains ménages guenzatis ou ya’laouis ont une vaisselle en cuivre, des domestiques, voire exceptionnellement des esclaves. Il y a enfin un artisanat actif et un marché hebdomadaire fréquenté par différentes tribus, voire par des gens venant de ce que les Ath Ya’la appellent « Tamurt n waraben » (« le pays des Arabes »), c’est-à-dire le versant arabophone du Guergour ou les plaines du Sétifois.

Tout comme leurs voisins proches Ath Wertirane ou Ath ‘Abbas, les Ath Ya’la ont un fondouk à Constantine et même, selon certains témoins, dans la lointaine Mascara à l’ouest. Ces tribus ne sont pas les seules de la région à avoir une vocation à s’exporter. La toponymie précoloniale nous révèle l’existence d’un djame’ des Ath Chebana à Alger, les célèbres Ath Melikeuch auraient même été les compagnons de Bologhîn Ibn Zîrî lors de la fondation d’Alger au Moyen-Âge. La pratique de l’« acheyed », qui mélange colportage, troc, travail saisonnier et activités d’enseignement de l’arabe et du Coran est encore dans les mémoires.

À y regarder de plus près, on voit d’ailleurs bien que le massif du Guergour se situe presque en droite ligne, à mi-chemin entre la première et la deuxième capitale du royaume médiéval hammadite : la Qal’a des Béni Hammâd et Béjaïa. Non loin de là, se trouve aussi Achir, la première capitale ziride, Gal’a ou la Qal’a des Ath Abbès (les Labbès des sources espagnoles) et la Medjana, fief des Mokrani. Ici passe le Triq essoltane (la route royale du Moyen-Âge, la route de la Mehalla).

Selon Ibn Khaldûn, les Ath Ya’la seraient partis de la Qal’a des Béni Hammâd, fuyant les Hilaliens vers la fin du xie siècle (Gaïd 1990 ; Féraud 1868). Mais la région semble avoir connu une occupation humaine très ancienne et le massif du Guergour n’a pas manqué d’être la destination d’archéologues antiquisants (Leschi 1941). La tribu, comme toutes les tribus, est une longue histoire faite de mélanges et d’agrégations successives, d’éclatements aussi.

Le deuxième auteur à évoquer les Ath Ya’la est un homme du xvie siècle. Il s’agit d’Al Marînî, dont le texte est retrouvé par Laurent-Charles Féraud, justement à Guenzet, dans la famille maraboutique des Aktouf. L’ouvrage est en quelque sorte une parole intérieure qui polémique ni plus ni moins avec Léon l’Africain, Marmol et autres sur leurs versions de l’occupation de Béjaïa par les Espagnols. Al Marînî (1868) y relate le récit de la destruction et du pillage de la ville, la résistance à l’occupation et évoque l’exode de ses habitants, dont de nombreux Andalous, réfugiés dans les montagnes kabyles, notamment chez les Ath Ya’la mais aussi chez les Zouaouas.

Le troisième texte date du xviiie siècle. Il s’agit de la fameuse Rihla d’Al Warthilânî, récit de voyage à La Mecque et chronique de la situation politique de la Kabylie à cette époque. Si on le redécouvre aujourd’hui, les lectures qu’on en fait laissent parfois perplexes. Elles servent à mettre en exergue une « tiédeur religieuse » propre à la Kabylie, là où l’auteur montre que cette tiédeur est plutôt bien partagée, s’époumonant, comme le montre de façon détaillée Sami Bargaoui, à dénoncer certaines « libertés » combattues par Ibn Tumert en son temps, aussi bien à Béjaïa que chez les Iwendajène d’Amizour, à Guenzet, sur le mont Boutaleb, à Sétif, dans le bordj turc de Zemmoura, chez les Oulâd Naïl, dans l’actuelle Tunisie… et même à Médine, c’est-à-dire aussi bien en territoire arabophone que berbérophone, citadin que rural, maghrébin qu’oriental.

Ce qu’on a, par ailleurs, tendance à lire comme la confirmation de perpétuels conflits entre les soffs, où il intervenait comme marabout intercesseur, et donc comme soi-disant élément extérieur à la société kabyle, nous semble aussi peu convaincant. Al Warthilânî, acquis aux Turcs (contrairement à son père, semble-t-il, qui refusait de faire la prière derrière un imam payé par la Régence), s’en va pacifier la Kabylie pour l’amener à l’obéissance, après une fetwa des ‘ulamas de Béjaïa, qui rendait cette mission obligatoire pour tout ‘alem. Ce qu’il décrit, ce sont les divisions qui touchent y compris les lignages maraboutiques et les zaouias dans un processus de reconfiguration, de renégociation de la médiation entre le pouvoir central et les sociétés locales, nous semble-t-il.

Ce qu’il négocie, c’est aussi, comme le rappelle Bargaoui, sa propre place dans le processus en cours. Il suffit de repenser à l’importance du comité d’accueil qui vient à sa rencontre à l’entrée de Béjaïa pour s’en convaincre. Il y a là cadi et caïd, mais il y a surtout, les descendants des Mokrani de Béjaïa, ceux dont l’aïeul a transporté sa zaouia du village d’Ama’dan vers la ville, à la demande des Turcs. Les Mokrani règnent depuis sur la karasta, ou exploitation des bois de forêt pour le compte de la flotte turque (Féraud 1868-1869). C’est dire que les enjeux tant matériels que symboliques sont fondamentaux dans la démarche de ce « réformateur ».

Ce qu’il nous donne à voir en tout cas, c’est un maillage plutôt serré du réseau des zaouias en Kabylie, à un moment décrit généralement comme celui où la naissance de la Rahmânya permet la naissance de cette région à l’universalité islamique....a suivre...
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