Hommage : SÉTIF REND HOMMAGE À UN PRÉCURSEUR DE LA RÉVOLUTION DE NOVEMBRE
Après Arezki Kehal, vinrent M’hamed Bouguerra, Debbih Chérif, Malika Gaïd…
«A travers cette cérémonie, c’est tout un pan de l’Histoire de l’Algérie qui est exhumé», a déclaré Abderezak Bouhara, vice-président du Sénat et ancien militant du Parti du peuple algérien (PPA), à l’occasion de la célébration du 105e anniversaire de la naissance de Arezki Kehal, membre fondateur du parti cité plus haut.
Derrière cette initiative, on y trouve Ghafir Mohamed, dit Moh Clichy, dit Da Mohand, ancien responsable de la Fédération de France et natif du même village que le martyr. Da Mohand milite depuis des années pour que soient reconnus le rang et la valeur de ce grand militant et dirigeant politique que fut Kehal. Cette commémoration s’est concrétisée avec la contribution de l’association Mechaâl Echahid et l’appui du wali de Sétif, Noredine Bedoui. Elle a été célébrée le 24 avril qui coïncide avec la date de naissance (avril 1904) de l’un des premiers martyrs victime avant le 1er Novembre. Ali Mahsas, ancien militant du PPA et dirigeant de la révolution armée actuellement sénateur, Abderezak Bouhara, membre du PPA et vice-président du Sénat, Abdelhafid Amokrane, ancien ministre, Athmane Belouazdad, membre des 22, Aïssani Amar, ancien adjoint de la Wilaya 3, Mohamed Guenifed, commandant de la Wilaya 3, et d’autres importantes personnalités ont effectué le déplacement dans la capitale de la Petite- Kabylie, Sétif, pour prendre part à cette commémoration et contribuer ainsi à ce devoir de mémoire de notre pays. «C’est grâce à la vision, à la clairvoyance et au sacrifice de Kehal Arezki et de ses compagnons que le 1er Novembre est rendu possible», dira Athmane Belouazdad. Les personnalités présentes se sont succédé pour faire l’éloge de ce précurseur du combat libérateur. Au second jour de cette commémoration, la délégation a fait un pèlerinage jusqu’à Guenzet Nath Yala, à 86 kilomètres de Sétif, pour se recueillir sur la tombe de Arezki Kehal. En cours de route, la délégation a fait un arrêt à Titest, à l’entrée de la région des Ath Yala, pour contempler, dans un climat de recueillement, la maison parentale du colonel M’hamed Bouguerra, chef de la Wilaya 4. La famille du chef historique est originaire de cette petite commune. Plus loin, à Tigets, pas loin de Guenzet, la délégation a observé une autre halte pour rendre hommage à une autre grande figure de la Révolution algérienne, Debbih Cherif en l’occurrence, qui a vu le jour dans cette bourgade. Un petit musée y est érigé. A quelques kilomètres de Guenzet, plus exactement à Timenkache, lieu de naissance d’une icône de la guerre de libération, Malka Gaïd, ces pèlerins d’un jour ont effectué une troisième halte pour un moment de méditation. Les Yalaouis étaient nombreux ce vendredi à accompagner la délégation venue se recueillir sur la tombe de leur fils. Arezki Kehal avait semé la graine sur une terre farouchement libre qui a permis à d’autres combattants de surgir pour reprendre le flambeau de la lutte. La liste de Guenzet Nath Yala est longue à énumérer.
Abachi L.
BIOGRAPHIE
IL EST L’UN DES MEMBRES FONDATEURS DU PPA
Arezki Kehal, une vie au service exclusif du combat pour la liberté
Ils rendent jaloux et admiratif le commun des mortels, ces hommes qui, un jour, décident consciemment que leur vie appartient à la communauté. Ils ont de la noblesse et de la grandeur. Arezki Kehal, fils de Guenzet Nath Yala, fait partie de ces privilégiés. En ces temps de perdition et de reniement dans notre pays, ils constituent des repères solides. Les connaisseurs de l’histoire glorieuse contemporaine de notre pays en général et de la Kabylie en particulier, ou ceux qui ont participé à façonner la Révolution de Novembre s’étonnent qu’un pauvre village des Ath Yala, entouré de quelques hameaux — anciennement Ikhlidjene — farouchement accrochés au flan des montagnes de pierres bleues dont la rudesse a fait le malheur de l’armée française, ait pu tant donner au combat libérateur de l’Algérie. Elevés dans un bastion de l’islam qu’est la Petite-Kabylie dans le nord sétifien, ils sont imprégnés d’un héritage culturel ancestral leur permettant de différencier entre la spiritualité et le dur combat de la vie. De plus, leur ouverture d’esprit leur a permis d’assimiler le discours politique moderne au contact des révolutionnaires français. Leur engagement sans faille pour les causes justes, engagement qui fait partie de leur lignée dans le combat pour la liberté et la dignité, aux côtés d’El-Mokrani, entre autres, a fait d’eux des hommes dignes de confiance, des éléments qui comptent. C’est dans ce contexte sociopolitique que naquit le 24 avril 1904 Arezki Kehal. Un nom qui fera désormais partie du gotha des précurseurs de la flamme de Novembre. Il est, en effet, l’une des figures de proue du mouvement national d’où surgira l’appel au ralliement pour se délester, contre sacrifices, du joug colonial. Comme tout Kabyle, Arezki Kehal, Arezki Oulekahal (du nom berbère de la famille Kehal), entame son adolescence et son éducation à Timaâmerth (l’école coranique). Par la suite, il fréquente l’école française jusqu’au certificat d’études. Dans les années 1920, terrassés par la pauvreté et l’absence de toute perspective politique pour les autochtones, un grand nombre de Yalaouis, à l’instar d’hommes d’autres régions de Kabylie, s’en iront agrandir la masse prolétarienne en France. Arezki traverse la mer en 1929. Les témoignages recueillis auprès des anciens de Guenzet indiquent que Kehal intègre en 1931 l’Etoile nord africaine (ENA) aux côtés de Amar Imache et Belkacem Radjef. En 1936, le militant Kehal, connu et apprécié, selon ses compagnons, pour sa double culture occidentale et algérienne, se retrouve membre du bureau politique, président du comité central et trésorier général de l’Etoile. Il est l’un des fondateurs et secrétaire de rédaction du journal El Ouma ( La Nation). Dans la même année (1936), il revient, selon ces mêmes témoignages, à Guenzet Nath Yala. Il crée une section locale de l’ENA. Ayant eu vent des activités de ce militant infatigable, l’administrateur de Bougaâ, ex-Lafayette, voulait l’arrêter. Pressé par ses amis, Arezki regagne la France d’où il envoie une lettre à ses compagnons de la section avec un message prémonitoire. «L’oiseau qui était en cage a ouvert la porte pour s’envoler », écrivait-il dans sa missive. Avant de quitter précipitamment Ath Yala, il avait semé dans sa terre natale avide de liberté, la bonne graine. Et pour cause, après 1954, deux de ses recrues seront des officiers de l’ALN de la Wilaya 3. L’un d’eux sera désigné par Amirouche en qualité de chef militaire dans la zone de Djemaa Sahridj, dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Le second organisera, aux côtés de Si Hamimi, les premières attaques contre l’armée française aux alentours de Sétif. Le troisième tombera également au champ d’honneur les armes à la main. En 1937, Kehal Arezki fait partie du groupe des Amis d’El-Ouma qui a créé le 11 mars de la même année le PPA (Parti du peuple algérien). Il est trésorier général. Lors de sa venue en Algérie, Messali lui confia la direction du parti. En plus de ses responsabilités politiques, Kehal s’active avec Mohamed Guenaneche pour éditer le journal Ach- Chaâb. Mais l’arrestation du chef charismatique du parti impose le retour en septembre 1937 de ces responsables en Algérie. Tous les deux, ils rencontrent Ibn Badis pour débattre de l’avenir politique de la communauté nationale et tenter d’amorcer un rapprochement avec les ouléma. Les activités du parti ne s’arrêtèrent pas. Précisément, au commissaire de police d’Alger qui tentait d’interdire une réunion du PPA qui se déroulait à La Casbah, Kehal répliquera : «Nous sommes doublement chez nous. Nous sommes au sein de notre parti reconnu et chez nous en Algérie.» Le 25 février 1938, le reste de la direction du PPA, notamment Kehal, Fillali M’barek, Lakhdar Hayaouani et Mohamed Guenanneche, est arrêté et embastillé à Barberousse. «Nous dirons au juge : moi et toi sommes les seuls responsables du parti. Pour les écrits, j’assumerai ceux en français et toi les écrits en arabe. Nous mettrons ainsi fin aux arrestations de nos compagnons », dira-t-il à Guenanneche. Beaucoup de militants furent libérés grâce à cet exemple de sacrifice. Gravement malade, il écopera tout de même de 1 an de prison ferme. En prison, il fait un exposé à ses compagnons Guenanneche et Ahmed Mazghena sur la conduite d’une révolution. Son état de santé s’est aggravé. C’est à la suite de nombreuses protestations qu’il est hospitalisé mais sous la garde permanente de la police coloniale. «L’impérialisme ne lui a pas pardonné. Il a préféré nous rendre Kehal mort plutôt que vivant», témoigne Abou Ali. Dans un compte rendu, le journal El-Ouma de 1939 évaluait la foule à 15 000 personnes, dont un grand nombre de femmes, venues rendre un dernier hommage à ce grand militant qui sera enterré, selon le vœu de sa famille, à Ath Yala. A sa libération en 1947, le chef du PPA, Messali Hadj, a effectué un pèlerinage jusqu’à Guenzet Nath Yala pour se recueillir sur la tombe de son compagnon de combat politique.
A. L.
Sources : Ghafir Mohamed qui a recueilli les témoignages.
Musée du moudjahid.
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2009/04/27/article.php?sid=82480&cid=44