Le challenge kabyle
Le lycée Ouarzeddine-Achour de Tizi Ghennif pulvérise tous les records: 90,27% de réussite, 4 mentions «très bien» et 99 mentions «bien».
Pour la deuxième année consécutive, la wilaya de Tizi Ouzou occupe la première place dans le nombre de reçus aux examens du baccalauréat 2009. Le taux de réussite a été de 58,99%. Sur les 13.803 candidats qui ont postulé, 7107 ont décroché le fameux sésame qui leur ouvre les portes de l’université pour des études supérieures. Ce résultat très satisfaisant est incarné par le lycée Ouarzeddine-Achour de Tizi Ghennif qui pulvérise tous les records. Dans ce lycée, le taux de réussite a atteint les 90, 27%. C’est le premier lycée au niveau national et au niveau de la wilaya de Tizi Ouzou. Les candidats dans cet établissement ont réussi des exploits record en obtenant quatre mentions «très bien» et 99 mentions «bien». Ce n’est pas la joie dans cette région du pays et pourtant ça tourne, du moins pour les études. La violence dans le milieu scolaire a atteint, d’un côté, cette année, des proportions alarmantes. D’un autre côté, ce sont les enseignants et les travailleurs du secteur de l’Education qui ont, cycliquement et de façon récurrente, manifesté par des arrêts de travail leur mécontentement.
Les élèves et les établissements n’ont pas échappé à ces turbulences, mais ils ont réussi à battre le record de la moyenne nationale au baccalauréat. Ce week-end, les lycées étaient en effervescence. Les élèves, les parents et les amis étaient tous là à guetter les résultats. Les nouvelles ont commencé à circuler d’abord durant la nuit. Les résultats étaient disponibles sur les téléphones portables. La joie des parents et des candidats n’était pas encore très perceptible. La matinée, les cours et les portails se remplissaient peu à peu. Les résultats étaient accessibles sur la Toile. «Je suis très heureux, j’ai le sentiment du devoir accompli. Je me suis privé de beaucoup de choses pour assurer l’enseignement à mes enfants», s’exclamait une femme à la cinquantaine devant un lycée à Tizi-Ouzou.
Nous sommes les meilleurs malgré les conditions
L’année scolaire n’était pas facile. Les enseignants ont connu de multiples turpitudes. D’abord, c’était aux premiers de manifester le malaise qui rongeait la famille de l’éducation. L’amélioration des conditions socioprofessionnelles était une des plus importantes revendications des enseignants. Ils ne pouvaient pas assurer un enseignement de qualité. Les arrêts de travail sanctionnaient non seulement les professeurs mais aussi les élèves qui préparaient un test capital pour leur avenir.
Puis ce fut au tour des lycéens de monter au créneau craignant pour leurs chances de réussite aux examens. Ils se soulèveront contre les programmes qu’ils ont jugés trop chargés. Comme les précédentes années scolaires, il aura fallu attendre dans l’angoisse pour voir la tutelle venir les rassurer. Ce n’est que vers la fin de l’année que le ministre de l’Education a consenti à alléger les programmes à partir de la rentrée prochaine. Le mal est fait: les lycéens ont dû se préparer aux examens avec des programmes chargés.
Il n’y a pas que cela. Tout le long de l’année scolaire, la presse a fait état d’innombrables actes de violence à l’intérieur et aux alentours des établissements scolaires. Des enseignants ont été agressés, voire poignardés devant leurs élèves. Ces derniers aussi n’ont pas échappé à ce phénomène qui a pris une effrayante ampleur l’année passée. A Boudjima, à Timizart et à Makouda, les élèves et les enseignants ont dû se défendre face aux agressions «d’extras» qui pénétraient sans aucune contrainte dans les établissements. «L’Etat doit combattre ce phénomène avec intransigeance car l’avenir de notre pays dépend de l’avenir des enfants sinon, qui va venir gérer le pays à notre place?» s’exclame un parent d’élève à Boudjima craignant pour ses deux filles qui préparaient le Bac. Le cas le plus grave et qui a soulevé l’ire et l’indignation de la famille de l’éducation et des parents d’élèves était sans conteste l’agression d’un élève au lycée Amirouche de la ville de Tizi Ouzou. Il a été poignardé par des voyous dans l’enceinte même de l’établissement sous les regards des camarades.
Il n’y a pas que cela. La famille de l’éducation n’a pas cessé durant toute l’année de crier basta face à l’émergence d’un phénomène qui risque de clochardiser l’école algérienne. La drogue a fait irruption dans les écoles. Des élèves seront appréhendés en flagrant délit de consommation de «tige» à l’intérieur des écoles.En montagne on n’a pas droit aux faux pas
Malgré cela, le symbole et l’étendard sont restés indemnes. Les résultats aux examens du baccalauréat sont la preuve que les familles considèrent toujours que la réussite à l’école est l’unique condition pour accéder à une vie meilleure. Ils sont parvenus à maintenir le cap vers la réussite de leurs enfants. Ce n’est pas nouveau. Les habitants des montagnes kabyles ont toujours fait de l’école leur objectif fondamental. Dans une région pauvre aux reliefs escarpés, avare en richesses, les populations ont fait leur choix depuis longtemps. L’école et les études comme seul échappatoire à la pauvreté. N’est-ce pas que le fils du pauvre a toujours survécu à l’oubli. De son temps déjà, Mouloud Feraoun poussait ce petit Fouroulou à s’émanciper et s’extraire des griffes de la misère. La misère, c’était aussi l’ignorance qui couve loin des bancs de l’école.
Des décennies plus tard, les parents ont toujours gardé le cap. Dans la wilaya, les parents d’élèves ont toujours été aux côtés des enseignants et de la tutelle. Il est vrai que ces derniers temps, le phénomène de l’école du bois a pris de l’ampleur. On ne quitte plus l’école pour les mêmes motifs qu’avant. Autrefois, certains se trouvaient contraints d’aller travailler pour faire vivre leurs familles. Mais, aujourd’hui, la tendance est d’aller s’enrichir.
Cette année, les parents d’élèves ont participé au combat face à la violence et la délinquance dans le milieu scolaire. «C’est vrai que le monde aujourd’hui est plus matérialiste, mais l’école est toujours primordiale», nous dira Saïd, un parent rencontré devant le siège de la direction de l’éducation «Vous croyez que les Américains qui prônent le libéralisme et les Européens ne donnent plus d’importance à l’école?», poursuit-il en nous interrogeant. En effet, malgré les difficultés à poursuivre la scolarisation de leurs enfants et certains qui ont cédé à l’attrait de l’argent facile, la famille a gardé tout de même ses repères. Les résultats n’ont pas trahi la fidélité à la constante. L’école est l’unique condition d’émancipation des peuples. Nous avons aussi recueilli le témoignage d’un étudiant de langue amazighe à l’université de Tizi Ouzou qui a vu son petit frangin décrocher le Bac avec mention. «Vous savez, je suis très fier des élèves de Tizi Ouzou. En ces temps où tous les spécialistes s’accordent sur l’importance d’étudier dans sa langue maternelle pour des résultats meilleurs, nos élèves obtiennent la première place même dépourvus de cet avantage», estimera-t-il.100% de réussite au Bac français
De ce côté, les résultats sont d’apparence ordinaires. Le taux de réussite au baccalauréat est de 26%. Mais, en fait, certaines écoles privées de la wilaya de Tizi Ouzou ont tenu à rappeler que la logique des taux n’exprime pas toujours la réalité du terrain. Ces nouvelles institutions ne doivent pas obéir à ces classements car, elles sont hétérogènes donc différentes en âge et en qualité d’enseignement prodigué. A l’école Assalas, les élèves ont obtenu le Bac français qu’ils ont passé en candidats libres avec un taux de 100%.
Le taux national de réussite au Bac est de 71%. Ce résultat est venu après la loi obligeant les écoles privées à assurer les matières scientifiques en langue nationale. Les élèves qui ont étudié en langue française ont dû se reconvertir une année avant les examens. Au BEM, le taux de réussite des élèves est de 92%. C’est exceptionnel qu’une école privée puisse damer le pion aux écoles étrangères. Les élèves qui ont obtenu 100% de réussite au Bac français sont la preuve que nos enfants peuvent rivaliser avec toutes les compétences des pays les plus avancés en développement. Le directeur de la même école, M.Handala, affirmait que le taux de réussite dans son école est meilleur que d’apparence car il fallait prendre en considération également le taux de réussite en classe d’âge. Aucun des élèves n’a redoublé l’année depuis le début de sa scolarisation.Les détenus obtiennent un taux de 75%«Dans ces établissements pénitentiaires, l’administration a mis tous les moyens nécessaires à la disposition des détenus qui ont souhaité reprendre leurs études.»
Si dans les écoles, le taux est de 58,99%, au sein des maisons d’arrêt de la wilaya, les détenus ont battu encore les records. Le taux de réussite au Bac a atteint les 75%. Sur les soixante candidats qui ont passé, quarante-cinq ont décroché le sésame qui leur permettra sans nul doute de mieux aborder leur réinsertion. Les candidats à l’entrée à l’université de la formation continue (UFC) ont obtenu un taux de réussite de 70,58%. Sur les dix-sept postulants à ses cycles d’études supérieures, douze ont été couronnés de succès. Il est vrai aussi, que dans ces établissements pénitentiaires, l’administration a mis tous les moyens nécessaires à la disposition des détenus qui ont souhaité reprendre leurs études.
Le climat des études dans ces enceintes a été favorable pour des préparations adaptées à la mesure de l’importance des examens dans la vie des jeunes détenus.[/color]Kamel BOUDJADI