Mohamed-Amokrane Haddadi
Un grand écrivain militant humaniste
“On l’appelait Tighilt Oukerrouche parce que c’est un village entouré de chênes. Ce bois a disparu mais le nom est resté. Cette constatation déjà me rend philosophe car beaucoup de choses dans notre monde se passent ainsi. Il y a des choses qui restent, et les hommes, quand ils s’interrogent découvrent l’absurde. Pour comprendre notre monde, il faut avoir vécu depuis le commencement et être présent aux siècles des siècles. Ce n’était qu’une parenthèse qui me tenait à cœur. En ce temps-là, c’était un village de bourbis : quelques maisons en dur appartenaient à quelques familles qu’on disait riches, mais qui étaient aussi pauvres que les autres, finalement... Tighilt était un village de pauvres. Pauvre était la mère d’Ossane, pauvre était la mère d’Idir, pauvre était la mère d’Ighil... et même le marabout Si Menad, avec sa belle barbe et ses lunettes d’argent, qu’avait-il de riche ?”, s’interroge l’auteur de Les Bavures. Ce roman qui n’est autre qu’un achèvement de mentalités différentes que Mohamed-Amokrane Haddadi assimile au fil des pages à de la pure hypocrisie à une époque donnée de la société kabyle qui s’est prolongée jusqu’aux temps actuels. Tout comme son ami Mouloud Feraoun avec lequel il partage beaucoup de points communs surtout cette belle qualité d’humaniste, l’écrivain a décortiqué dans son œuvre cette société dans laquelle il trouva la mort un certain 26 décembre 2007 après un long combat pour la libération du pays, puis pour l’éducation de générations, ensuite pour sa lutte à côté des démocrates et des défenseurs des droits de l’homme. Il échappa à une mort certaine car il ne s’était pas rendu à la réunion prévue le 15 mars 1962 à El Biar où son ami Mouloud Feraoun et ses compagnons avaient été froidement abattus par l’OAS (Organisation de l’armée secrète). Mohamed-Amokrane Haddadi est venu au monde le 9 juin 1919 au village Laâziv n’Cheikh dans l’ex-Pirette, l’actuelle Aïn Zaouia dans la région de Draâ El Mizan. Tout comme les Kabyles de l’époque, ses parents étaient des paysans qui consacraient leur vie au travail de la terre. Il fit ses études primaires à Bounouh dans une école de pères blancs, obtint son CEP (Certificat d’études primaires) en 1932, puis comme Mouloud Feraoun dans un lycée à Tizi Ouzou avant de rejoindre l’Ecole normale de Bouzaréha pour obtenir le diplôme d’instituteur. Il fréquenta l’auteur du Fils du pauvre aussi bien à Tizi Ouzou qu’à Alger car il ont finalement travaillé ensemble. Il enseigna à Ath Ouarthilène à Maillot (l’actuelle M’chedallah), à Ath Merdja jusqu’au début de la guerre de la Libération nationale avant de rejoindre Alger, Clos Salembier, Bab Djedid, Boufarik, Bologhine, puis Boghni. Quand la lutte armée fut lancée, il sut comment apporter une contribution positive à la Révolution par ses contacts avec des responsables politiques à Alger. D’ailleurs, sur dénonciation, il fut arrêté par les parachutistes de Massu pour le motif d’avoir refusé de faire chanter la Marseillaise à ses élèves. Il eut la même ambition que Feraoun car il débuta par écrire au début des années 50. L’accent grave sous le pseudonyme de Djim Laforge, et deux recueils de poèmes. Il faut le jour et la tour de feu. A sa libération au lendemain de l’indépendance, il fit paraître à Boufarik, une revue qui portait le titre Clartés. Son roman le plus connu de tous fut peut-être, le combat des veuves dont lequel, il rendit hommage à ces femmes algériennes qui avaient perdu leurs maris durant cette guerre impitoyable. Juste à l’indépendance, il ne restait dans les villages que des veuves dont les mains étaient vides. Ceci le toucha énormément. Ceci la toucha énormément. On dit aussi qu’il a publié un autre roman Malédiction. Le combat de Da Mohand ne s’arrêtera pas là car il continua son métier d’enseignant, puis celui d’inspecteur jusqu’à sa retraite. Mais sans doute pour terminer en apothéose son militantisme né durant la période coloniale, il participe activement au mouvement berbère. Ceci, lui valut la confiscation de son passeport dans les années 80. Au lancement du quotidien Liberté, il anima quotidiennement la chronique de la page 24 “En toute liberté” durant des années sous le pseudonyme de Mokrane L’Azib, Da Mohand fut éprouvé par la perte en 2001 de deux de ces trois garçons, d’une fille et de son épouse. Une maladie grave (la leucémie) pris le dessus sur lui en 2007 sur son courage, sa volonté et son engagement.
L’association Tagmats Ali Zamoum le soutient dans cette épreuve douloureuse jusqu’à sa disparition à l’hôpital Nedir Mohamed de Tizi Ouzou le 26 décembre 2007. Da Mohand quitta à jamais le monde des bavures tout comme la fin de ce roman. “Je vais être obligé de me séparer de ce garçon merveilleux. Toute ma vie a été bousculée par des bavures ! D’ailleurs, tout est bavures en ce monde de survivants...”
Amar Ouramdane
.............bonne continuation au forum.........war/tilane.