Le 28 décembre 1978, décès du président Houari Boumediene.
des rumeurs circulent sur la mort de Boumediène
La population algérienne est invitée à se « montrer digne de l’épreuve que cruellement le destin lui a imposée, à faire montre de civisme et à faire confiance aux autorités du pays ». Les journaux ressassent inlassablement la même antenne : la mobilisation contre la réaction interne manipulée de l’étranger. Jeudi 23 novembre. Une semaine est déjà passée depuis son admission à l’hôpital. Boumediène est toujours dans le coma : « Paralysie des autres membres, inconscience totale, lésion possible à la base du cerveau ». Bien que le bulletin de santé soit plutôt critique, le gouvernement algérien refuse de s’avouer vaincu par la fatalité. D’éminents spécialistes continuent d’arriver à Alger. Le professeur Adams, neurologue américain de renommée mondiale, ainsi que le neurochirurgien anglais Crockart arrivent à la rescousse. Désormais, Alger devient la capitale de la médecine mondiale, dévouée à une seule cause, à un seul impératif : tout faire pour ramener Boumediène à la vie. Miracle. Le vendredi 24 novembre, celui-ci sort de son coma. Il est même en mesure d’esquisser quelques gestes. Il répond aux injonctions des médecins, ouvre les yeux et la bouche. Dès lors, l’espoir est permis. Le Président peut être sauvé, mais il faut faire encore plus. Quelqu’un suggère le nom du professeur Jan Gosta Waldenström. Le professeur Waldenström, médecin chef de l’hôpital de Malmö en Suède, est reconnu par ses pairs pour être le spécialiste le mieux habilité pour traiter les infections liées au sang. N’est-ce pas lui qui a découvert cette terrible maladie dont on en sort rarement vivant ? Contacté par les officiels algériens, Waldenström accepte de se rendre en Algérie. Il fera le voyage à Alger à bord de l’avion particulier du Président, ce fameux Mystère 20. La venue de Waldenström laisse présager un bon espoir. Arrivé à Alger, le professeur suédois est aussitôt conduit à l’hôpital où il s’entretient avec l’équipe médicale installée depuis quelques jours. Après de longs entretiens, il peut enfin regagner sa résidence, mise à sa disposition au niveau du Palais du gouvernement, une somptueuse demeure mauresque nichée au cœur d’Alger. Ce n’est que le lendemain que Waldenström peut enfin consulter son illustre patient. Son diagnostic ne tarde pas à tomber : Boumediène est atteint d’une très grave maladie, pour tout dire, incurable. Cette vérité, Waldentröm se garde de la divulguer aux journalistes étrangers. Secret médical, dit-il. Mais, cette vérité, il ne le cache pas aux rares officiels algériens qui seront autorisés à s’entretenir avec lui. Parmi les confidents du médecin suédois, le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, ainsi que l’épouse du Président, Anissa. A Bouteflika, Waldenström tiendra le langage de la franchise et de la vérité. « Il n’y a rien à faire. Il faut attendre la mort », aurait-il déclaré. Le médecin de la dernière chance a donc délivré l’ultime message. Houari Boumediène n’a plus aucune chance de survie. Après avoir livré son diagnostic, Waldenström émet le vœu de repartir chez lui, en Suède. Plus rien ne pourra sauver ce patient que les officiels veulent absolument ramener à la vie. Mais les officiels algériens refusent de désespérer. Le diagnostic du professeur Waldenström n’étant pas une vérité absolue, il faudra donc tout tenter pour que le miracle puisse avoir lieu. Aussi, on fait appel à l’expertise et à la logistique des Américains. Aussitôt sollicité, le président Jimmy Carter fait montre de sa disponibilité et met à la disposition de l’Algérie un scanner dépêché directement de Californie. Le précieux matériel arrivera à l’aéroport d’Alger au moment même où le Mystère 20 de la Présidence algérienne s’apprête à décoller avec à son bord le professeur Waldenström. Impuissant devant l’inéluctabilité de la mort, celui-ci avouera plus tard à un journaliste de Paris Match les raisons de son départ précipité. « Je n’ai plus rien à faire », dira-t-il. Le 28 novembre, Boumediène sombre de nouveau dans un coma irréversible. Il n’y a presque plus d’espoir parmi la cinquantaine de médecins qui se relayent jour et nuit autour du corps inanimé de Boumediène. En dépit des renforts de matériel sophistiqué, malgré les multiples soins prodigués au patient, son état demeure désespérément critique. Il perd du poids à vue d’œil. Cet homme longiligne et légèrement grassouillet ne pèse aujourd’hui qu’une quarantaine de kilos. Dernière semaine de décembre. Les officiels décident de préparer l’opinion au pire. La presse évoque « la fatalité », comme pour signifier que Boumediène ne sortira plus jamais vivant de la salle d’hôpital où il gît depuis le 18 novembre. Mercredi 27 décembre, l’information tombe comme un couperet. Le président Houari Boumediène est mort. Le Conseil de la Révolution entre en réunion permanente. Objectif : organiser les obsèques de Houari Boumediene dans le calme et la sérénité. Avant de passer aux choses sérieuses. Vendredi 29 décembre. Au cimetière d’El Alia, une brochette de ministres, de hauts gradés de l’armée et de grands dirigeants du pays est alignée en rangs d’oignons face au cercueil du défunt. Dans un silence de cathédrale, tous arborent des visages de cire. Habillé d’un manteau noir, Abdelaziz Bouteflika, le ministre des Affaires étrangères, fidèle parmi les fidèles, fait la lecture de l’oraison funèbre. Moins de deux heures plus tard, la cérémonie s’achèvera tandis que commencera la vraie bataille pour la succession de Houari Boumediène.