Personne ne croit plus personne, la méfiance étant la règle et la suspicion générale l’unique façon d’avoir des rapports avec les autres. Dans ce doute permanent qui s’est installé, on contrôle tout, on place des alarmes dans sa voiture, on élève des chiens en appartement et on pose des serrures à trois points partout. On s’arme de couteaux, on évite la nuit et la foule, on voile sa femme pour déjouer la prédation sexuelle, on cache sa sœur et on couvre ses enfants pour éviter le mauvais œil. On ne dit plus bonjour de peur de perdre quelque chose ou d’ouvrir la voie à autre chose, on ne finit pas le chantier de sa maison pour éloigner les envieux. On se méfie de ses propres pulsions et on élève la paranoïa au niveau de sentiment national.
Verticalement, la situation est pire. Comment croire les dirigeants économiques quand ils changent de loi pour adopter une loi contraire à la première en expliquant que c’est la bonne ? Comment croire les dirigeants politiques quand ils parlent de démocratie participative à l’échelle locale alors qu’ils continuent de truquer les élections au niveau national ? Comment croire les dirigeants militaires quand ils déclarent la fin du terrorisme mais maintiennent l’état d’urgence, des routes fermées et des zones interdites ? La confiance, ciment de l’édifice d’une nation, est devenue introuvable sur le marché, à l’image du ciment de construction. Et le doute s’est élevé au rang de moyen de communication de masse. L’opération passeport biométrique, gigantesque enquête de police qui inquiète les défenseurs des libertés individuelles, a été confiée à une entreprise française.
Les fichiers de tous les Algériens, de leurs amis et de leurs familles seront centralisés en France. Comment croire les dirigeants quand ils parlent de souveraineté ? C’est toute l’erreur d’approche. Eux-mêmes ne demandent pas qu’on les croie, mais qu’on leur obéisse.
Par Chawki Amari.