L’universitaire française Emmanuelle Favier tente une comparaison entre Lounès Matoub et Arthur Rimbaud.
C’est un dossier d’une extrême rigueur intellectuelle que consacre la revue Altermed au poète et artiste Matoub Lounès. Sur pas moins de 77 pages, l’oeuvre poétique et artistique de Matoub Lounès est décortiquée par des universitaires et des journalistes de renom dont Yalla Seddiki, traducteur du poète et auteur du livre le important écrit, jusque-là, sur la poésie de l’enfant prodige de Taourirt Moussa.
Le livre dont il s’agit s’intitule: Matoub Lounès: Mon nom est combat (Edition la Découverte, Paris).
Dans un extrait d’une étude réalisée par l’universitaire française Emmanuelle Favier, cette dernière tente une comparaison entre les deux poètes Lounès Matoub et Arthur Rimbaud. Pour rappel, dans son album Aras Tili, le Rebelle, a adapté le poème Le dormeur du val.
Cet article met en relief l’objectif de Matoub en reprenant Rimbaud.
Pour Emmanuelle Favier, Matoub, à travers cette adaptation, fait oeuvre de surenchère, recadre un texte dont le statut est celui d’un lieu commun de la littérature et le réactualise en l’adaptant à un autre contexte.
Dans la même étude, il est fait référence de la grande diversité lexicale qu’on retrouve dans l’ensemble des textes de Matoub.
Une richesse inexistante dans une autre poésie. Pourquoi Matoub a-t-il fait usage d’un lexique si rare? L’article d’Altermed répond que l’objectif consiste à défendre, à sa manière, la langue et la culture kabyles.
Approfondissant la comparaison entre les deux sommités poétiques (Rimbaud-Matoub), l’auteur de l’étude relève que d’un point de vue thématique, le poète kabyle garde du poème de Rimbaud la métaphore «mensongère» du sommeil mis pour la mort du soldat; il est cependant plus explicite. Le titre du texte kabyle n’a pas la valeur imagée du Dormeur du val.
La jeunesse du soldat, sa ressemblance avec un enfant, est un autre trait sur lequel Matoub a voulu insister en le conservant: «Il faut voir dans la position du soldat un détail essentiel, puisque Matoub l’a transposée presque intacte. Elle dit la sérénité de la mort, l’idée du devoir accompli et, par antiphrase, l’injustice de la guerre.» Le journaliste Youcef Zirem revient dans son article sur la sincérité incomparable de Matoub Lounès.
Dans l’incroyable sincérité d’un poète, Youcef Zirem revisite les événements dont il fut témoin et au cours desquels, l’artiste avait eu des attitudes dénotant une sincérité déconcertante comme celles consistant à avouer ses erreurs même dans ses choix politiques les plus déterminants mais aussi dans son courage à avouer ses défauts sans aucun complexe dans plusieurs dizaines de chansons.
L’étude la plus complète et la plus riche, la plus élaborée aussi, est sans doute celle de Yalla Seddiki.
Ce dernier montre, encore une fois, qu’il maîtrise, mieux que quiconque, l’oeuvre poétique de Matoub.
Cette maîtrise est sans doute due à plusieurs facteurs. D’abord, la sincérité de l’amour qu’il voue au «Rebelle». Il y a aussi le fait que Yalla Seddiki a connu personnellement le «Rebelle» et a eu l’occasion de travailler directement avec lui sur ses poèmes. Yalla Seddiki avait traduit, du vivant de Matoub, plusieurs textes, lesquelles traductions peuvent être retrouvées sur les CD originaux disponibles chez les disquaires.
Sur plus de dix pages, Yalla Seddiki parvient à survoler l’ensemble des aspects de la personnalité et de l’oeuvre du «Rebelle» et conclut en écrivant que: «parler encore de Lounès Matoub, ce n’est pas contempler un cadavre, mais désigner une station de vie, un horizon prospère».
Le lecteur pourra trouver deux interviews, l’une avec la veuve et l’autre avec la soeur du «Rebelle». Le dossier sur Matoub propose aussi des traductions de plusieurs textes de Matoub dont Les braises, L’hyène, La vertu dépravée, Désir et raison, Tassadit, Le moulin du regret, Regard sur l’histoire d’un pays damné, L’effroi, La contrainte ainsi qu’un poème inédit: Les os des vivants. Altermed est une revue éditée par les Editions Non Lieu, de Paris. Son premier numéro a été consacré à la romancière algérienne, membre de l’Académie française, Assia Djebar.
Aomar MOHELLEBI