CE MONDE QUI BOUGE
Le pari réussi de l’Afrique du Sud
Par Hassane Zerrouky
Le spectacle est fini, le rideau est tombé, les vuvuzelas rangés au placard des souvenirs, c’est l’heure du bilan. Le pays de Mandela a réussi son pari.
Le bon déroulement de ce Mondial a dépassé les espérances des organisateurs. Sur le plan de la sécurité — l’Afrique du Sud étant présentée comme l’un des pays les moins sécurisés au monde — il n’y a pratiquement pas eu ou peu d’incidents ou d’agressions contre ces centaines de milliers de supporters débarquant des quatre coins de la planète. Si cela avait été le cas, nul doute que les médias occidentaux en auraient fait tout un plat. Autre domaine où le pays de Mandela était attendu, les infrastructures sportives, les transports et autres commodités allant avec. Environ 3,4 milliards d’euros, dont 1,4 pour les transports, ont été investis. Là également, le pari a été tenu. Sept stades ont été construits ou rénovés. Celui de Johannesburg, le Soccer City, réalisé en 1987, presque entièrement retapé pour accueillir le match d’ouverture et la finale du Mondial, avec son toit circulaire aux tribunes, sa forme inspirée d’une calebasse sud-africaine, est vraiment une réussite en matière de rénovation architecturale. C'est ici, à Soccer City, que Nelson Mandela a fait sa première grande apparition publique après sa libération en 1990. C’est ici, juste avant le coup d’envoi de la finale Espagne—Pays-Bas en ce 11 juillet 2010, qu’il a fait, sans doute, sa dernière grande apparition publique défilant dans une voiturette sur le terrain du stade. C’est grâce à cet homme, qui a dirigé l’Afrique du Sud de 1990 à 1994 — il n’a accompli qu’un seul mandat présidentiel pour laisser la place à Tabo Mbeki — que l’Afrique du Sud a organisé cette Coupe du monde. En outre, plus de 30 milliards de téléspectateurs en audience cumulée ont regardé ce Mondial, plus que lors de l’édition précédente de 2006 en Allemagne (26 milliards). En termes d’image, l’Afrique du Sud sort renforcée. Elle fait figure de pays développé. Et ce, bien qu’elle n’ait pas réglé tous ses problèmes. Le chômage reste à un niveau élevé. Des millions de personnes vivent encore dans la pauvreté. L’habitat précaire n’est pas prêt à être résorbé, du moins sur le court terme. Mais, le fait que les dirigeants aient réussi à organiser la plus importante manifestation sportive mondiale, accomplissant pratiquement un sans-faute, montre qu’ils avaient les moyens de leurs ambitions, à savoir l’existence de grandes entreprises et de compétences sans commune mesure ailleurs en Afrique. L’Afrique du Sud n’est pas tombée dans la facilité conseillée par ces radicaux d’un jour qui leur suggéraient de nationaliser les entreprises privées détenues par des «Blancs», uniquement pour complaire à une certaine vision idéologique qui a fait tant de dégâts ailleurs. Elle a, sur les conseils de Mandela, choisi une voie plus intelligente: utiliser le savoir-faire des «Blancs», qui sont restés, et leurs entreprises au service du développement et du progrès social sans céder sur les principes qui fondent l’action de l’ANC, le parti au pouvoir. Le Zimbabwe, qui a nationalisé pour nationaliser, au lieu d’utiliser les compétences des ex-colons au service du développement, est aujourd’hui au bord du chaos, avec à la clé un dictateur, Mugabé, qui s’accroche désespérément à son pouvoir et une corruption généralisée. Ajoutons que sans le respect des libertés d’expression et de la presse, le pluralisme démocratique, l’Afrique du Sud ne serait pas aujourd’hui ce pays tel qu’on le connaît et qui, à la suite du succès du Mondial de football, va proposer la candidature de Durban pour les Jeux olympiques de 2020. Pendant ce temps, en Algérie et dans les pays arabes, on continue, 15 siècles après l’avènement de l’Islam, de se demander si on est ou non musulman, si ceci ou cela est halal ou non, si le voisin d’en face va à la mosquée ou fait le Ramadan, si une femme doit porter ou non le voile. Et de se vanter de réaliser le plus grand minaret du monde à un coût (autour de trois milliards de dollars) qui permettrait d’éradiquer l’habitat précaire et d’assainir l’oued El-Harrach!
H. Z.