«Tu as tout vu, et maintenant vas-tu te taire ?»
Des intellectuels algériens et étrangers qui ont vu les atrocités commises le 17 Octobre 1961 les ont dénoncées. L’auteur de Nedjma, Kateb Yacine, a, à travers un poème, interpellé le peuple français sur les injustices perpétrées. Il a commenté, par ailleurs, les événements tragiques en rappelant les manifestations du 11 Décembre 1960 qui se sont déroulées à Alger.
Il écrivait, en l’occurrence, «réussir à Alger une telle démonstration de force, face à l’armée française omniprésente, suréquipée, et aux fascistes déchaînés de l’OAS, c’était énorme. Mais refaire, moins d’un an après, la même démonstration à Paris, la capitale d’un empire qui avait, au début du siècle, prétendu dominer le monde, c’était se jeter dans la gueule du loup ! Et c’est bien ce qui s’est passé le 17 Octobre 1961. On a vu ce jour-là, des dizaines de milliers d’Algériens affluer dans Paris, venus de toute la France. On a vu, place de l’Opéra, les parias des bidonvilles. Les journaux étaient pleins de ces images insoutenables qui m’inspiraient plus tard ces strophes de ce poème.»
Peuple français, tu as tout vu
Oui, tout vu de tes propres yeux
Tu as vu notre sang couler
Tu as vu ta police
Assommer les manifestants
Et les jeter dans la Seine.
La Seine rougissante
N’a pas cessé les jours suivants
De vomir à la face.
Du peuple de la commune
Ces corps martyrisés
Qui rappelaient aux Parisiens
Leurs propres révolutions
Leur propre résistance
Peuple français, tu as tout vu
Oui tout vu de tes propres yeux,
Et maintenant vas-tu parler ?
Et maintenant vas-tu te taire ?