tikka V.I.P.
Nombre de messages : 6080 Age : 63 Localisation : Setif Emploi/loisirs : Gestion/nature Humeur : Idhourar i dh'al3amriw... Date d'inscription : 08/07/2008
| Sujet: Guerre de Libye : bavures médiatiques avant les premiers bombardements Jeu 24 Mar - 13:39 | |
| Publié le 21 mars 2011 par Julien Salingue.ACRIMED.COMAu moment où nous écrivons, les avions d’une « coalition » bombardent les positions militaires du colonel Kadhafi. Quoi que l’on pense de cette guerre, force est de constater qu’elle fait l’objet d’un traitement médiatique digne du journalisme de guerre le plus exécrable. Les observations que nous rapportons ici ont été effectuées avant le début des bombardements. Et elles sont déjà annonciatrices du pire…
Si tu veux la guerre…
Lorsque l’éventualité d’une guerre s’est précisée, la plupart des grands médias ont manifesté un certain empressement. Cette hâte était-elle dictée par la conviction qu’il fallait venir au secours de populations civiles et qu’il n’y avait pas d’autre solution que la guerre ? Ce serait une prise de position à présenter comme telle. Mais, contrastant avec la gravité des responsables qui ont décidé cette guerre, l’impatience des impatients revêt des formes passablement malsaines, comme si une guerre n’était pas avant tout une guerre !
Dès le vote de la résolution de l’ONU, le 17 mars au soir, la nouvelle se répand comme… une traînée de poudre : la guerre approche. Dans les médias, les bruits de bottes se font entendre. Le 18 mars, Reuters publie une dépêche : « Compte à rebours pour une intervention en Libye ». Le Point, L’Express, Le Nouvel Obs (et bien d’autres) la reprennent et font leur l’image du « compte à rebours ». Le lecteur est averti : qu’il se tienne prêt…
L’attente ne sera pas longue. La déclaration d’Alain Juppé selon lequel « tout est prêt » pour déclencher les hostilités est, elle aussi, reprise en boucle dès le vendredi 18 en « une » des sites internet. Entre autres : « Libye : “Tout est prêt” pour une intervention militaire » (site de Libération) ; « Lybie [sic] : “Tout est prêt pour une action militaire” » (site de L’Est Républicain) ; « Libye : tout est prêt pour une intervention, selon Juppé » (site du Nouvel Obs) ; « L’armée française prête à l’assaut contre Kadhafi » (site de La Tribune) ; enfin, sur un ton encore un peu plus belliqueux que ses confrères, le site de 20 minutes titre : « Libye : malgré le cessez-le-feu proclamé par le pouvoir, les Occidentaux sont prêts au combat ». De toute évidence, les médias aussi.
Certains sont même un peu trop prêts… C’est ainsi que dans l’après-midi du 18 mars, la chaîne I>Télé, sans doute un peu trop impatiente, ose le scoop : Aucune action militaire n’a alors été menée. Il faudra en réalité attendre le lendemain avant que soit annoncé le premier tir français. Au grand désespoir d’I>Télé qui, se rendant compte que son scoop ressemble de plus en plus à une bourde, remplace subrepticement, en fin d’après-midi, le mot « frappes » par le mot « crise ». Vingt-quatre heures plus tard, l’information étant désormais correcte, le terme « frappes » refait son apparition à l’écran. Au grand soulagement d’I>Télé ?
Le 19 mars, Reuters publie une dépêche au titre des plus audacieux :« Vers des frappes imminentes ». En substance : les frappes ne sont pas encore imminentes, mais elles le seront bientôt. Une redondance qui révèle l’impatience ?
La guerre, ça fait vendre, coco
Cette impatience peut difficilement se prévaloir de visées exclusivement « humanitaires ». Elle traduit aussi une toute autre préoccupation : être le premier sur le coup. Concurrence journalistique ou compétition commerciale ? La seconde est loin d’être absente, car la guerre, c’est vendeur. Et rien de tel, pour appâter le chaland, que de lui proposer un pseudo-sondage en ligne. C’est Le Parisien, rapidement rejoint par Le Figaro, qui a ouvert les hostilités :S’agit-il d’informer ? Évidemment pas… D’ouvrir un « débat » ? À quoi bon, puisque la « communauté internationale » est unanime (voir plus loin) ? Il s’agit d’attirer le lecteur et de le fidéliser en le mettant directement à contribution et en créant l’illusion que son avis compte !
Toutes les méthodes sont bonnes pour vendre et faire vendre. La palme du cynisme revient à Libérationqui, en raison de la double actualité (Libye plus Japon), a proposé à ses lecteurs un numéro spécial le vendredi 18 mars, avec une « double une ». Le communiqué de presse annonçant cet « événement » est des plus révélateurs :
« Vendredi dans Libération : un numéro exceptionel [sic]consacré à la Libye et au Japon » […] « Citation de Nicolas Demorand, directeur de la rédaction de Libération : “Au moment où une série de catastrophes au Japon bouleverse chacun de nous, la communauté internationale semble enfin se mobiliser pour empêcher le colonel Kadhafi d’écraser l’insurrection du peuple libyen. Nous avons voulu donner toute sa mesure à cette actualité d’une incroyable densité, où se télescopent ces deux événements”. Ce numéro “collector” de Libération sera disponible en kiosque vendredi 18 mars 2011 ».
Les morts, coco, c’est collector.
Moi, Kadhafi, il me fait pas peur
Collector, aussi, certains propos forts courageux de va-t-en guerre parisiens, avant même le début de l’offensive.
Le vendredi 18 mars, le Grand Journal de Canal plus reçoit « trois grands observateurs de l’actualité » : Thomas Legrand (de France Inter), Yves Thréard (du Figaro), Alain Duhamel (d’un peu partout). La Libye est bien évidemment évoquée : Michel Denisot explique que, suite à la résolution de l’ONU, les autorités libyennes ont annoncé un cessez-le-feu. On assiste alors à une scène surréaliste, au cours de laquelle Jean-Michel Aphatie et son camarade Yves Thréard nous livrent une analyse d’une exquise finesse :
– Alain Duhamel : « […] Un cessez-le-feu, c’est parce qu’ils veulent voir venir, sûrement ». – Jean-Michel Aphatie : « Ils ont les jetons. » – Yves Thréard : « Kadhafi est un peureux. » – Alain Duhamel : « Faut pas non plus les caricaturer… » – Jean-Michel Aphatie : « Moi je pense qu’ils ont un peu la trouille. »
Aphatie et Thréard, confortablement installés sur leur plateau de télévision, triomphent et ironisent : Kadhafi a peur d’une intervention armée. On imagine que nos deux journalistes, à qui la guerre ne fait pas peur, ont déjà réservé leur billet d’avion pour la Libye afin de prendre part aux combats.
À l’instar de leur confrère d’I>Télé Olivier Ravanello qui, le samedi 19 mars, quelques heures avant les premiers bombardements, s’emporte, sourire aux lèvres : « On veut se débarrasser de Kadhafi, on va peut-être même arriver, par chance, à ce qu’une bombe lui tombe sur la tête ».
Il est difficile de se contenter de comptabiliser ces mouvements de menton parmi les faux frais de la liberté d’opinion. Une fois encore, ces commentaires qui n’éclairent rien, même pas les raisons de ceux qui soutiennent inconditionnellement cette guerre, contrastent avec la gravité de ceux qui l’ont décidée. Que dire alors du respect dont ils témoignent pour ceux qui, non moins gravement, ne sont pas convaincus par cette intervention ou lui sont hostiles ? L’indécence fait-elle partie des nouvelles règles de la déontologie ?
Mais nos journalistes sont courageux. Nul doute que le ministère de la Défense les décorera pour acte de bravoure médiatique. Contrairement à ces traîtres d’Allemands.
Les « alliés » et les traîtres
Nul n’aura échappé à l’argument-massue repris dans la plupart des grands médias : la guerre bénéficie du soutien de la « communauté internationale ».
Une « communauté internationale » dont on ne cesse de nous rappeler qu’elle inclut des pays arabes. Ce ne serait donc pas une guerre de l’Occident… comme Le Monde, en un lapsus révélateur, le dit pourtant en « une » le 19 mars, accompagné de cette sympathique invitation au « monde arabe » : « Il faut associer le monde arabe aux opérations militaires. Il en a les moyens : il dispose de centaines de chasseurs. Il a l’occasion de faire l’Histoire, pas de la contempler ». Typiquement « occidental ».....suivre si ça vous intéresse aller a ACRIMED.COM...Bonne lecture | |
|