«CCNA N TILAWIN N LGIRRA» DE RAMDANE LASHEB
Ces femmes qui chantaient la guerre
08 Mars 2009 -
Ces chants ont été collectés dans un espace géographique limité au seul village Tala Khelil près d’Ath Douala.
Soixante-douze poèmes, déclamés pendant la guerre de Libération nationale, constituent la matière première du livre intitulé Ccna n tilawin n lgirra que vient d’éditer le Haut Commissariat à l’amazighité (HCA) dans le cadre de sa collection «Idlisen nnegh».
L’initiative de réunir et d’analyser ces poèmes revient à Ramdane Lasheb, enseignant de langue amazighe à Ath Douala. Ramdane Lasheb, après avoir milité dans le Mouvement culturel berbère, a opté pour l’enseignement de sa langue mais aussi pour la réalisation de travaux de recherche qui permettent de sauvegarder des textes, que le temps et la disparition des personnes les véhiculant, auraient pu emporter.
Les textes en question ont été composés entre 1954 et 1962. Le livre a pu être écrit suite à une série d’entretiens, de collectes et d’investigations. Ces chants ont été collectés dans un espace géographique limité au seul village Tala Khelil près d’Ath Douala, avertit l’auteur qui précise: «J’ai volontairement limité la collecte à ce village pour mieux montrer la fonction historique de cette poésie: l’apport à celle-ci pour l’écriture des événements. Mes informatrices sont toutes du village Tala Khelil et ont toutes vécu la guerre de Libération nationale. L’enquête sur le terrain m’a permis d’arriver à la conclusion suivante: 80% du corpus a été recueilli de la bouche des femmes qui répétaient ces poèmes pendant la guerre.» C’est dire leur authenticité! Parmi les femmes ayant contribué à la naissance de ce recueil, on peut citer Lalla Taous, âgée de 83 ans en 1995, sa fille Ouardia n Chrif, Zaïna n l’hadj, Liasmin n yidir, Lalla Fetta, Fatima N’lhadj Salem, Fetta Mohand Olhocine, qui est la femme du chahid Landri Mouhed Ou Amar. L’universitaire Saïd Chemakh, qui préface le livre de Ramdane Lasheb, estime qu’en lisant les poèmes recueillis par ce dernier, ce n’est pas seulement la guerre qu’on y redécouvre mais la société kabyle sous le joug colonial: la violence véhiculée par le verbe n’a d’égale que la violence subie depuis près d’un siècle.
Ramdane Lasheb a le mérite d’avoir traduit vers le français les poèmes en question. Il a aussi précédé le recueil d’une longue analyse dans laquelle il décortique la relation entre les chants regroupés et le contexte de guerre ayant présidé à leur composition. L’auteur explique aussi pourquoi il s’est intéressé à ce créneau. Pour lui, la poésie de la guerre de Libération est l’une des formes d’expression populaire de la littérature orale: celle-ci est l’expression globale du groupe social, d’une communauté qui traduit les préoccupations, les besoins, les rêves et les valeurs d’un peuple.
Aomar MOHELLEBI