Les derkaouas ou révoltés sont les puritains de l'islamisme, en révolte, en lutte perpétuelle contre l'autorité des sultans, contre la hiérarchie sociale, Dans la Kabylie on les trouve surtout près de Zamora chez les Beni-Yala. Leur chef est un homme important, Hadj-Moussa bou hamar (maître de l'âme), .
dérouïches (détachés), les hommes détachés du monde ; sous ce rapport, les derkaouas sont des espèces de dérouïches ; mais il existe en Kabylie une secte beaucoup plus digne de ce nom, et remarquable par son affinité avec nos solitaires ascétiques de la Thébaïde. Dans le pays des Beni-Raten, un marabout célèbre, Cheikh-el-Madhy, prétend conduire ses disciples à l'état de sainteté de la manière suivante : chacun d'eux est rigoureusement renfermé dans une petite caverne ou cellule qui lui permet à peine quelques mouvements, à peine la position droite. Sa nourriture est diminuée progressivement pendant quarante jours, jusqu'à ne point dépasser le volume d'une figue ; il en est même dont la subsistance, pour vingt-quatre heures, ne consiste qu'en une cosse de caroubier. A mesure qu'ils subissent cet entraînement hors de la vie matérielle, les disciples acquièrent la seconde vue ; il leur vient des songes d'en haut ; enfin, la relation mystique finit par s'établir entre le marabout et eux lorsque leurs rêves coïncident, lorsqu'ils rencontrent les mêmes visions. Alors Cheikh-el-Madhy donne un burnous, un kaïk, un objet quelconque, enseigne d'investiture ; à l'adepte accompli, et l'envoie par le monde faire des prosélytes.
Il existe, en effet, des succursales de l'établissement-modèle chez les Beni-Ourghliss, chez les Beni-Abbas, chez les Beni-Yala : on en compterait peut-être une cinquantaine. Leurs pratiques reposent toujours sur l'ascétisme le plus rigoureux : la proscription de tout plaisir, des femmes, du tabac, s'y maintient scrupuleusement. L'état de prière ou de contemplation est l'état perpétuel.