Brahim Bellali, un artiste enraciné dans les montagnes des Ith Yala
Le chanteur kabyle Brahim Bellali est un artiste comblé. Et cela est perceptible dans ses chansons. Il se dégagent, en effet, une paix et une sérénité de ses compositions.
Bellali, qui s’est établi dans la ville des bords de la Seine depuis les années cinquante, a eu vie pleine. Il a même apporté sa contribution au sein de la Fédération FLN de France à la lutte de libération. Dans la ville aux mille lumières, il a côtoyé du monde, des artistiques bien sûr, ce qui lui a permis de connaître un bon nombre d’artistes algériens, maghrébins et certains du Machrek, comme le chantre de la mélodie amoureuse Farid El Atrache. Dans les tumultueuses années de feu déclenchées par la Fédération FLN de France pour la liberté et la dignité, il a rencontré, en 1956, Cheikh Missoum, Cheikh Arab Bouyezgarène, Farid Ali. La même année, il a acquis un luth et a pris des leçons de solfège à Clichy (Paris). Ce qui lui a ouvert la voie vers la chanson pour côtoyer et travailler plus tard avec Slimane Azem, Kamel Hamadi, Cherif Kheddam. Rabie, de son vrai prénom, a traversé la Méditerranée les poches vides mais la tête pleine. Il est parti des Ith Yala de Guenzet vers tamourth irroumiène (le pays des Français ou romains par comparaison avec l’héritage culturel ancestral) avec, comme seul bagage, la culture de ses ancêtres, chez qui la vie suit un processus strictement codé comme elle l’est chez tous les Kabyles des rudes montagnes. Bellali a hérité d’une culture où le verbe et les mots ont une importance fondamentale. L’insinuation est la méthode du narrateur des légendes et des mélancolies amoureuses. En effet, chez les Berbères, l’artiste ne dit pas tout ce qu’il veut mais use de métaphores ciselées pour clamer son amour à celle objet de ses rêves. Cela s’entend dans les mélodies de Bellali qui chante également la vie avec ses hauts et ses bas. Il a commencé sa carrière en 1959, comme choriste avec une troupe kabyle à Radio France sous les ordres du grand de la chanson kabyle, Cherif Kheddam. Au début des années 1960, il a produit son premier disque chez la «Voix du Globe» avec deux chansons sur l’exil intitulées Rouh Ayéthri (Part étoile filante) et Lemghiba (l’Absence). Depuis, le répertoire de Bellali s’est enrichi d’une cinquantaine d’œuvres. Il a également partagé la scène au cours de galas avec d’autres stars de la chanson kabyle, notamment Cherif Kheddam, Akli Yahyatène, Allaoua Zerrouki, Salah Sadaoui. Précisément, le chanteur fils des Ith Yala cherche un éditeur local pour rééditer deux albums Attasse Llayoud et Lemghiba, comprenant 12 chansons chacun. Mais c’est son nouvel album qui lui tient vraiment à cœur. C’est un véritable retour aux sources pour Dda Rabie. En effet, la principale chanson est un vibrant hommage à sa région des Ith Yala, mais surtout un hommage aux héros de la localité qui ont fait honneur pays. «J’ai noté que les Ith Yala, qui ont beaucoup donné à la liberté et à la dignité de l’Algérie, ne bénéficient pas de l’attention méritée. A la veille de la célébration du 50e anniversaire de l’Indépendance, j’apporte ma modeste contribution pour remédier à cet oubli», nous confiera-til, non sans cacher sa fierté à composer ces psaumes chantés à la gloire des martyrs. Sa liste est en effet longue. Elle va de Malika Gaïd à M’hamed Bougara en passant par Khelifa Boukhalfa, Debbih Cherif, Arezki Kihal. L’artiste Bellali souhaite que la nouvelle génération attache plus d’importance aux anciennes chansons qui donnent plus d’importance au verbe représentant la véritable identité culturelle.
Abachi L. Le Soir d'Algérie du 26/11/2011