Thamurth Ith Yaala
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 Abane Ramdane, stratège militaire de l'ALN ? Part 3 fin

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Date d'inscription : 31/07/2008

Abane Ramdane, stratège militaire de l'ALN ? Part 3 fin Empty
MessageSujet: Abane Ramdane, stratège militaire de l'ALN ? Part 3 fin   Abane Ramdane, stratège militaire de l'ALN ? Part 3 fin Icon_minitimeMar 2 Sep - 12:58

par Bélaïd Abane *

Suite et fin

Ainsi, en 1957, la Révolution algérienne avait réussi à franchir l'étape décisive, celle de la politisation et de l'internationalisation, pour la libération et l'indépendance du pays. C'était, au demeurant, là, l'objectif principal du congrès de la Soummam mais aussi celui de la proclamation de novembre. Et non une illusoire victoire militaire algérienne sur le colonialisme et son armée qui était alors l'une des plus puissantes au monde. Ce dont les congressistes de la Soummam étaient parfaitement conscients. Qu'on prenne seulement la peine de relire ou de lire la plate-forme de la Soummam pour s'en convaincre.

Abane Ramdane, Ben Bella et la question des armes

Abordons maintenant la question des armes et le rôle de la délégation extérieure à laquelle Abane, selon M. Benachenhou (qui ne résiste pas lui aussi à la tentation de «joindre l'insulte aux coups »), aurait « fait porter le chapeau des pertes cruelles subies par l'ALN ». Voila encore un raccourci, une accusation dont on ne sait si elle relève de l'ignorance, de la mauvaise foi, de la malveillance ou des trois à la foi. Si l'auteur de l'opinion s'était réellement référé au Courrier Alger le Caire de Mabrouk Belhocine, il se serait aperçu qu'Abane avait posé le problème de l'approvisionnement en armes de l'ALN, dès l'automne 1955 et le posera toujours et encore quelques mois avant son assassinat en décembre 1957 face à Fathi Dib, reprochant aux autorités égyptiennes leur insuffisance alors que «ses collègues de l'extérieur » étaient détenus depuis près d'un an.

Du reste, sur la question de l'approvisionnement en armes, Abane et tous les autres dirigeants de l'intérieur sont sur la même ligne. Le problème des armes les préoccupe tous au plus haut point. En présentant son rapport sur la zone 3 (Kabylie) aux assises de la Soummam, Krim Belkacem qui estimait que « l'état d'esprit des combattants et du peuple est très bon », signalait déjà que « tout le monde inlassablement nous reproche le manque d'armes ». Dès son arrivée à Alger au printemps 1956, de retour de la capitale égyptienne, Ben M'hidi s'adresse aux « frères du Caire », leur rappelle que « l'absence de marchandises nous gêne énormément » et leur demande de redoubler d'efforts « afin de nous mettre coûte que coûte au niveau de nos tâches les plus urgentes ». De son côté Ben Khedda, remplaçant Abane absent d'Alger pour cause de congrès de la Soummam, attire l'attention du « Caire » sur la situation qui prévaut en Algérie. « L'état français, écrit-il ne sera pas en mesure de faire face aux dépenses militaires d'ici six mois... d'où l'intérêt pour nous d'accentuer la pression de nos groupes armés sur les villes et les campagnes et de « pourrir » les zones calmes ». Il conclut : « seulement c'est une question de matériel et votre rôle devient alors primordial ». Automne 1956, c'est Ben Tobbal, comme Zighout avant lui, qui s'inquiète pour l'approvisionnement en armes. Le nouveau colonel de la wilaya II se rebiffe. Dans une lettre datée du 18 Novembre 1956 adressée à Mostefa Benaouda et à Brahim Mezhoudi qui se trouvaient alors à l'extérieur, il écrit : «... Faites vite. Vous savez dans quelle situation vous nous avez laissés. Dites aux frères de là-bas que les combattants ont en marre de leurs promesses... Dites leur aussi que tous les combattants sont mécontents et commencent à se désintéresser d'eux. Qu'ils fassent vite pour capter le peu de confiance qui reste ».

Le problème de l'approvisionnement en armes des wilayas centrales revêt encore plus d'acuité. Même après la construction du barrage Morice-Challe, les colonels de wilaya demeurent plus que jamais intransigeants sur la question des armes. Ils se réunissent et accusent de carence le pouvoir alors incarné par la troïka des « 3 B » établie à l'extérieur. Evoquant la mission de la délégation extérieure, le commandant Azzedine écrira: « L'extérieur avait pour mission fondamentale de répondre aux besoins logistiques de l'intérieur et de mobiliser l'opinion publique internationale en faveur de l'Algérie. Si la seconde mission a été accomplie d'une façon parfaite, la première n'a pas été réalisée comme nous le souhaitions à l'intérieur_ Les fournitures d'armes restaient limitées.» Revenons à Abane Ramdane. Sur la question de l'approvisionnement en armes, on est tenté en effet de penser qu'il utilise cette question comme cheval de bataille afin de contenir les prétentions de Ben Bella à ce costume de leadership que les autorités égyptiennes s'acharnaient à lui tailler sur mesure. Une façon de le culpabiliser et de lui faire sentir qu'il n'est « même pas fichu » de s'acquitter de la tâche pour laquelle il avait été désigné. On peut croire que les accusations d'Abane à l'encontre de Ben Bella ne sont qu'un harcèlement tactique et que les dirigeants d'Alger exagèrent. Certes, Ben Bella se consacre entièrement à sa mission. Mais il est également certain qu'Abane est prioritairement préoccupé par l'approvisionnement des maquis en armes. C'est le problème numéro 1 qu'il met sur le tapis avec la le franc parler qu'on lui connaît, face à Fathi Dib au cours d'un tête-à-tête au Caire en août 1957. Le responsable des Moukhabarat pour le Maghreb en garde un souvenir précis qu'il rapporte dans son livre dédié à Gamal Abdel Nasser et la révolution algérienne : « Abane reproche au Caire de ne pas avoir fait suffisamment pour satisfaire les besoins algériens en armes et munitions. Face à ces accusations contre l'Egypte et Ben Bella, j'avais considéré que je devais réagir, quelles que soient les conséquences, compte tenu des méthodes d'intimidation d'Abane, afin que les choses soient claires dès le début vis-à-vis d'Abane et de ses partisans...».

A la lumière de ce qui précède, le forcing d'Abane sur la question des armes, ses reproches récurrents à Ben Bella, ne sont pas seulement d'ordre tactique. Ils traduisent avant tout, le désarroi des dirigeants et des combattants de l'intérieur dont certains sont déjà en proie à une certaine forme de découragement. Par ailleurs les soupçons d'Abane à l'égard de Ben Bella ne sont pas totalement infondés. Car Ben Bella dont «les affaires» sont alors gérées par ses amis les plus sûrs postés aux points de contrôle névralgiques de l'acheminement et de la répartition des armes, sert en priorité les «clients» et alliés potentiels. Ceux-là mêmes qu'on « actionnera » contre les décisions prises à la Soummam en faisant mousser quelques archaïsmes tribaux derrière le paravent de la non représentativité du congrès, la délégation extérieure et la zone I n'ayant pas pris part à la rencontre de la Soummam pour des raisons qu'il est trop long de développer ici. Terminons par l'affabulation de M. Benachenhou dont le moins qu'on puisse dire est qu'il prend les lecteurs pour des imbéciles. La première affabulation déjà évoquée est cette prétendue « nouvelle stratégie » de « guerre classique » « imposée » (le mot est écrit au moins deux fois) par Abane à ses collègues, « doctrine incluse dans le document de la Soummam ». Cette affirmation inspire deux commentaires. Le premier est qu'elle est totalement fausse. Nous l'avons montré dans les développements précédents. Le lecteur pourra du reste se référer utilement aux textes de la Soummam où il ne trouvera pas la moindre trace de stratégie militaire. Quand à la structuration de l'ALN en une armée révolutionnaire organisée, hiérarchisée, elle ne préjugent en rien de sa stratégie, celle-ci étant laissée à l'appréciation du commandement politico-militaire collégial, en fonction des situations et des spécificités du terrain. Le deuxième commentaire est qu'on voit mal comment Abane, peu qualifié pour la chose militaire, pourrait imposer à des chefs comme Ben M'hidi, Krim, Zighout ou Ouamrane une quelconque vision de stratégie militaire. L'affirmer tout de go c'est exprimer une forme de mépris à l'égard de ces chefs dont on sait à quel point ils sont tous tatillons sur la question de la collégialité, et tout particulièrement à l'endroit de Ben M'hidi qui présida le congrès. Autre pure affabulation, la prétendue inspiration maoïste d'Abane, inspiration qui aurait échappé à Khalfa Mammeri son biographe (Abane Ramdane héros de la guerre d'Algérie, L'Harmattan, 1988) et dont nous serions les premiers à témoigner, non sans fierté, si elle avait le moindre soupçon de véracité. Il est à se demander si M. Benachenhou ne s'est pas laissé aller à un mensonge facile pour étaler sa culture et ses connaissances militaires. Mais cela n'est pas le ressort intime qui a porté l'écriture de son article. Il y a une autre motivation que l'on ne pourrait aborder sans tomber dans le procès d'intention. Restons dans le domaine des faits objectifs. Pour autant, on ne peut passer sous silence toutes ces affirmations sans nuances pour l'intellectuel qu'il est censé être, toutes ces expressions malveillantes dont regorge le texte de M. Benachenhou lequel cache mal son antipathie et son hostilité à l'égard de Abane Ramdane.

Quel en est le but ? Est-ce seulement cette manière qu'ont les petits de grandir en insultant les grands ? Ou autre chose ? La question reste posée même si elle laisse entrevoir un début de réponse.

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Auteur de L'Algérie en guerre. Abane Ramdane et les fusils de la rébellion, L'Harmattan, 2008.

* Professeur
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