Thamurth Ith Yaala
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 LE RÔLE DE L'ÉLITE INTELLECTUELLE ...A la croisée des chemins...

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tikka
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MessageSujet: LE RÔLE DE L'ÉLITE INTELLECTUELLE ...A la croisée des chemins...   LE RÔLE DE L'ÉLITE INTELLECTUELLE ...A la croisée des chemins... Icon_minitimeDim 1 Avr - 12:04

LE RÔLE DE L'ÉLITE INTELLECTUELLE ...A la croisée des chemins... P120331-01

«Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire.» George Orwell

Il m'a été donné de participer à une émission radiophonique de la chaîne internationale sur le thème de l'élite. Vaste sujet s'il en est et qui, toujours, fait l'objet en Algérie d'une diabolisation qui explique à bien des égards, la défaite de la pensée et le désert du savoir. Loin de moi l'idée de jeter «le bébé avec l'eau du bain», certes il y a eu tout au long de ces cinquante dernières années des réalisations qui entrent dans le cadre du système éducatif. Cet effort quantitatif, quant à la construction d'infrastructures, de places pédagogiques pour reprendre une expression galvaudée et où la pédagogie a depuis bien longtemps quitté l'imaginaire en termes de priorité et de sacerdoce, ne saurait cacher l'état de déliquescence de l'acte pédagogique, de la norme, des relations enseignants /enseignés, du rôle démesuré et arbitraire de l'administratif qui s'immisce dans le pédagogique,pour qu'il n'y ait pas de vagues et pour plaire au prince du moment. Avoir des locaux, construire des classes, s'occuper du transport et de la restauration n'apporte rien à la sédimentation du savoir. Ce n'est pas le rôle de l'université. Décréter que des unités universitaires qui, sous d'autres cieux, seraient renormalisées, sont érigées en universités, participe plus de la fuite en avant que d'un réel souci de préparer l'avenir. Après avoir défini cette notion d'élite et son évolution dans l'histoire de la pensée, nous allons tenter de tracer en honnête courtier les défaillances qui sont à notre actif et tracer un chemin pour le rôle de l'élite pour éclairer l'avenir de la société comme une boussole.

Qu'est-ce qu'une élite?
Si l'en croit l'Encyclopédie Wikipédia: «À l'origine, le statut d'élite n'est pas accordé par la détention du pouvoir, mais par l'autorité morale, c'est d'ailleurs pourquoi le terme est employé au singulier. Aujourd'hui, il est plus courant d'évoquer les élites. Toutes les civilisations de la vieille Europe se sont efforcées de proposer des modèles humains dans la perspective de se grandir. Dans cette première acception, l'élite est liée à l'idée d'excellence: c'est le kalos kagathos grec, désignant «ce qui est bel et bon» et par extension «l'honnête homme». Dans l'Antiquité romaine, une place particulière est donnée au citoyen là où le droit de cité n'est pas uniformément répandu. Celui qui est citoyen a des obligations envers lui-même et envers les autres.(1).
L'Islam eut son heure de gloire avec ses savants qui embrassaient dans le même temps tous les savoirs de l'époque. On pouvait être médecin et philosophe (Ibn Sina), poète et mathématicien (El khayyam...). Le XVIIe siècle propose le modèle de l'honnête homme. Voltaire parle de Zadig (Sadiq) comme de l'honnête homme. «Le siècle dit des Lumières» a vu l'émergence en Europe d'intellectuels qui ont structuré les différents champs de la pensée (littérature, culture, sciences arts). A partir de la fin des XIXe et XXe siècles, on paraît observer une crise de l'élite, avec la disparition d'un modèle humain au sens de la plénitude que celui-ci peut apporter. Il y eut une fragmentation de la notion du savoir. Du fait de l'augmentation des connaissances, le spécialiste remplace graduellement le généraliste des siècles précédents.
Aujourd'hui, l'élite finit par désigner l'occupation d'une position enviable. Le fait de détenir les leviers de la machine économique confère à la classe qui le détient, l'accès au pouvoir politique (au sens de la maîtrise de l'appareil d'Etat). L'État ne peut être un arbitre, il est seulement un moyen de domination politique entre les mains des détenteurs du pouvoir économique. L'élite entrepreneuriale est constituée des décideurs dans l'entreprise (managers chez les Anglo-Saxons «Le New Deal» est caractéristique de cette idéologie directoriale, puisque le président des Etats-Unis d'Amérique s'entoure de décideurs en matière économique qui s'arrogent le pouvoir politique. En France, la classe politique reçoit une formation juridique et administrative (République des avocats entre 1870 et 1914, des professeurs dans l'entre-deux guerres). Les agents publics sont également issus des grands corps de l'État, très homogènes après Polytechnique ou l'ENA pour se diriger après la Seconde Guerre mondiale par exemple vers le ministère des Finances ou le Conseil d'État. Bourdieu parlera de «noblesse d'État».
On entend généralement par le terme d'élites intellectuelles les: auteurs d'ouvrages de recherches et de réflexions et les professions intellectuelles supérieures: enseignants des cycles supérieurs titulaires du doctorat et/ou de l'agrégation. Dans «La République», Platon, examinant la Cité modèle, considère que celle-ci doit être hiérarchisée. Il différencie trois échelons sociaux: l'artisanat et le commerce (ventre), les gardiens (guerriers: coeur), les chefs (philosophes: tête). Pour rester une malgré la hiérarchie, la Cité doit respecter certaines conditions (planification culturelle et fonctionnelle par castes, imposition d'une théologie et de mythes sous contrôle des philosophes afin d'atteindre par l'enseignement l'idée de justice qui doit profiter au plus faible sans être dommageable à personne). L'appétit pour le pouvoir ne disparaît pas avec la fiction égalitaire; les sociétés développées ont conçu des techniques artificielles d'élévation sociale. Ces techniques sont de deux types: matérielles, fondées sur les biens possédés, et intellectuelles, fondées sur l'instruction. (1)

Le rôle de l'élite intellectuelle
Dans un de ses ouvrages majeurs, «Des intellectuels et du pouvoir» Edward Saïd rappelait que l'engagement d'un intellectuel, pour être noble, ne devait pas émaner de sa filiation, mais de son affiliation, donc de son désir de voir le bien triompher. Il ne s'agit donc pas pour l'intellectuel musulman de défendre sa religion ou sa «tribu» contre les autres religions et «tribus», mais de défendre des valeurs humanistes qui doivent être partagées par tous. (...) Dire la vérité au pouvoir, s'opposer aux injustices institutionnalisées, combattre les idées reçues et les préjugés. «La morale et les principes d'un intellectuel écrit-il, ne doivent en aucune façon devenir une sorte de boîte de vitesses hermétiquement close, conduisant la pensée et l'action dans une seule direction. L'intellectuel doit voir du paysage et disposer de l'espace nécessaire pour tenir tête à l'autorité, car l'aveugle servilité à l'égard du pouvoir reste dans notre monde la pire des menaces pour une vie intellectuelle active, et morale.»(2)
Edward Saïd rejoint de ce fait Julien Benda dans son ouvrage: «La trahison des clercs» voyait dans les parcours des intellectuels une propension à trahir leurs idéaux pour des positions sociales auprès des princes du moment. Edward Saïd a passé sa vie à combattre la principale maladie de notre temps, à savoir les visions «essentialistes» des groupes humains, la tentation de diviser l'humanité en entités fictives, «nous» et «eux», «Orient» et «Occident», la facilité qui consiste à penser que les civilisations sont immuables et imperméables les unes aux autres. A une époque où prospèrent d'un côté l'obscurantisme et le fanatisme religieux, et de l'autre, l'arrogance et le néo-colonialisme, Edward Saïd était le principal porte-drapeau d'un humanisme laïque qui est fort probablement aujourd'hui l'ultime rempart contre la barbarie. Il avait en horreur le racisme, le nationalisme cocardier, les idéologies de la séparation, les murs, la force brute, les fanatismes religieux, et les impérialismes d'hier et d'aujourd'hui. Saïd est aussi l'exacte antithèse de bien des intellectuels du XXe siècle qui ont fait office de scribes du pouvoir, de laudateurs des totalitarismes, qui n'ont abandonné une doxa que pour s'attacher aussitôt à une autre, et qui ont suivi aveuglément maîtres et idéologies, «ces dieux qui toujours faillissent». (2)

L'intellectuel en Algérie
Dans les pays occidentaux, ce que dénonce Edward Saïd fleurit, notamment avec l'émergence du quatrième pouvoir constitué par les médias. L'affaire du Watergate a montré comment des journalistes pouvaient faire tomber le Président du plus puissant pays du monde. Certains intellectuels que Pascal Boniface qualifient de «faussaires», participent de cette dérive. Ils ont le verbe facile et l'indignation vertueuse. Ils hantent les plateaux de télévision, les radios, les tribunes des plus grands journaux, et fournissent l'onction des clercs à la machine à broyer des médias. Nous l'avons vu avec Bernard-Henri Lévy l'intellectuel tout-terrain et sa cohorte qui ont réussi dans une large mesure à imposer une vision du monde acquise à Israël. D'autres philosophes par contre, sont ignorés quand ils ne sont pas traînés devant les tribunaux.
Qu'en est-il en Algérie? Beaucoup disent qu'il n'y a pas d'élites intellectuelles, il y a des individualités qui s'expriment dans les rares espaces d'expression laissés à dessein par le pouvoir pour donner le change d'une vie intellectuelle. Il n'en est rien car ceux qui sont en charge de l'éducation de l'enseignement supérieur et de la culture ont failli. Ce n'est pas le football qui permettra aux jeunes de conquérir le monde, ce n'est pas les émissions soporifiques sans lendemain qui vont structurer durablement l'imaginaire des jeunes et leur donner les clés de décodage qui vont leur éviter d'être les orages consentants de l'Internet des réseaux du danger de Facebook..
Si on ajoute à cela les parcours personnels d'intellectuels qui monnayent leur allégeance, la boucle est bouclée. Dans une contribution percutante mais sans concession, Brahim Senouci fait le procès des intellectuels notamment ceux qui sont installés en France. Il décrit d'abord les sociétés tunisienne et égyptienne beaucoup plus policées que la société algérienne. Il écrit: «Les sociétés tunisienne et égyptienne sont plus sophistiquées, plus urbaines. Elles offrent bien moins de prise aux pièges. La société égyptienne, quoi qu'on en dise, a une tradition artistique, littéraire, importante. Elle a enfanté des intellectuels de renom, qui se sont largement exprimés et dont les noms sont respectés. Taha Hussein, Naguib Mahfoud, sont de ceux-là. Tewfiq El Hakim, dans son livre, «Le journal d'un substitut de campagne», a décrit à merveille la société dans laquelle il baignait. En même temps, tout en étant profondément immergés dans l'Egypte profonde, ils étaient ouverts sur le monde.» (3)
Parlant de l'élite des intellectuels algériens, il rend hommage à Alloula, Benhadouga et Kateb Yacine. Il écrit: «Ce n'est pas un hasard s'ils sont respectés en Algérie. Certains ne trouveront pas place dans cette classification, parce qu'ils sont porteurs d'une rupture inconsciente. Ils ont exprimé, avec une force bienvenue, leur rage contre le terrorisme et l'intégrisme, au moment où des dizaines de milliers d'Algériens étaient massacrés dans des conditions atroces. Je songe aux «Agneaux du Seigneur» de Khadra ou au «Serment des Barbares» de Sansal. Ce dernier pose en particulier la question de l'identité qui lui semble être la racine du drame. C'est bien de poser la question. C'est périlleux de vouloir y répondre de façon simple. C'est le piège dans lequel tombe Sansal.(..) La dénonciation pertinente de l'intégrisme produit en lui une sorte d'aveuglement. Il en vient à jeter par-dessus bord à peu près tout ce qui pourrait faire sens en Algérie. La culture, parce qu'adossée à une religiosité étouffante, est honnie. Son émotion est convoquée au moment où il voit des pieds-noirs embarquant sur les bateaux de l'exode. (...)Il y a plus grave. Parlant de son livre, «Le Village de l'Allemand», il explique benoîtement le lien étroit entre les maquisards du Front de libération nationale, le Front islamique du salut et le nazisme! (...) «Ce que le jour doit à la nuit», de Yasmina Khadra, semble laisser planer l'ombre de la nostalgie de l'époque coloniale. Toutefois, c'est le privilège de l'écrivain que de nourrir la complexité des choses. Le tableau se simplifie singulièrement quand le même Yasmina Khadra confie l'adaptation cinématographique de son ouvrage à un nostalgique assumé de cette période, sioniste notoire de surcroît, Alexandre Arcady...» (3)
En Algérie les causes multidimensionnelles de la mal vie sont toujours là. Elles sont même accentuées par un manque de vision flagrant. Dans l'Algérie de 2012, la compétence n'est plus un ascenseur social, il ne faut pas travailler, avoir un diplôme, être un besogneux soucieux du bien public et d'honorer consciencieusement ses engagements par une assiduité et un travail bien fait. Au contraire, on est pris pour un naïf! Dans l'Algérie de 2012, brûler un pneu peut vous valoir comme punition...un appartement que vous n'aurez jamais si vous êtes un cadre moyen et plus encore, diplômé du supérieur ou de ce qu'il en reste. Dans l'Algérie de 2012, l'Ecole ne fait plus rêver, il vaut mieux être footballeur et toucher en une fois, d'une façon scandaleuse, le gain d'un enseignant dans toute une vie. On comprend sans peine les stratégies développées par les parents qui inscrivent leurs enfants dans des clubs de football pour enfants. Dans cette même Algérie de 2012, c'est l'informel qui est la norme. Le gain facile, est le plus sûr moyen de s'en sortir. Dans l'Algérie de 2012, il vaut mieux investir pour être député car il y a un bon retour sur investissement, peu importe d'ailleurs le parti, l'essentiel est d'y être.
Que doit alors faire l'intellectuel? Doit-il continuer à s'égosiller dans le désert en tentant de passer à travers les gouttes de pluie de la censure ou de la répression? Ne serait-il pas plus moral pour le pouvoir- s'il est vraiment fasciné par le futur d'une Algérie ouverte, tolérante, en phase avec la marche du monde - que de laisser s'exprimer l'élite intellectuelle? Dans ce XXIe siècle, nous devons faire émerger d'autres légitimités, celles du neurone. Ce sont elles qui nous permettront de continuer le combat pour une Algérie du futur avec les outils du XXIe siècle. Nous avons une opportunité à l'occasion de ces élections où, malheureusement, la députation est synonyme de prébendes de fonds de commerce. Ne peut-on pas organiser un débat de fond sur l'Algérie de 2030 et mettre à la question ces partis politiques pour nous donner les clés d'un futur de l'Algérie, sans rente pétrolière avec une situation de stress hydrique avec les attaques visant son unité? Naturellement, on leur demandera de discuter sérieusement sans les 300 mots de la langue de bois sur l'immense Révolution algérienne, l'islam... Je suis sûr d'emporter l'adhésion des jeunes -non pas en les caressant dans le sens du poil comme le font les marchands du Temple- mais en leur promettant un avenir fait de sueur, d'effort, de compter sur soi qui leur garantit l'avenir. C'est à ce titre que l'élite intellectuelle véritable colonne vertébrale d'un Etat de tous les Algériens permettra au pays d'affronter un monde de plus en plus dangereux avec des chances de réussite. «Le désespoir disait Karl Jaspers, est une défaite anticipée.» Tournons-lui le dos!

1. L'élite: L'Encyclopédie Wikipédia.
2. Edward W. Saïd: Des intellectuels et du Pouvoir, Seuil, 1994
3. http://brahim-senouci.over-blog.com/article-le-grand-ecart-des-intellectuels-algeriens-87024753.html
Par Pr Chems Eddine CHITOUR
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