Un des signes de la dégradation du niveau de vie
Le marché florissant de la friperie
Au moment où les produits d’habillement et de lingerie en général inondent les magasins et les marchés algériens sous les labels chinois, syriens ou turcs, des marchés, des foires et même des salons ayant pignon sur rue continuent à proposer des chaussures, des vêtements, et autres produits textiles (rideaux, traversins,…) de friperie acquis auprès d’importateurs installés dans les grandes villes comme Alger, Oran ou Annaba. Ainsi, les signes de pauvreté ne cessent de se multiplier et de crever les yeux de ceux qui, inconsciemment ou non, voudraient oublier ou feindre d’oublier l’existence de franges entières de la population qui n’ont pas accès aux moyens les plus modestes de la vie moderne. Si, pendant la période du Ramadan, l’écart entre les pauvres et les riches devient plus visible chez les marchands de fruits et légumes, les autres jours ne sont pas dénués de symptômes de déchéance humaine à travers les rues, les trottoirs et les marchés de nos villes et villages. Il en est ainsi du phénomène de l’achat de la fripe qui a connu une courbe ascendante depuis le début des années 90. Naguère limité aux seuls marchés hebdomadaires et aux revendeurs informels ayant pignon sur rue au niveau des trottoirs et terrains vagues des différents chefs-lieux de wilayas et de daïras, le marché de la friperie a fini par être régularisé et même “institutionnalisé’’ pour s’installer de façon durable dans des magasins aujourd’hui attitrés.
Ces magasins sont régulièrement fréquentés par des familles démunies qui n’arrivent pas à se permettre des vêtements neufs. Cependant, le phénomène récent en la matière est la forte affluence de fonctionnaires moyens dans ces lieux où sont cédées de vieilles fringues venant de toutes les régions de la planète. La plus grande affluence est surtout visible à la veille des fêtes religieuses ou à la rentrée scolaire. Des femmes accompagnées de leur marmaille remuent des dizaines de pièces dans des tas de guenilles et de haillons pour dénicher une chemise ou un pantalon “potable’’ en prévision du jour J.
Il y a quatre ans de cela, lorsque quelques maladies dermiques ont fait leur apparition dans certaines régions du pays, la relation avait été vite établie avec le marché de la fripe. A tort ou à raison, ces vêtements sont rendus responsables de la propagation de la gale qui a touché les hameaux et les établissements scolaires. En tout cas, personne ne peut savoir avec exactitude si les articles proposés à la vente ont subi une opération de désinfection préalable. Pour traiter cette pathologie transmise par des acariens, les patients n’ont, dans la plupart des cas, trouvé que les remèdes d’antan à commencer par le soufre des stations thermales ou le soufre en poudre vendu chez les droguistes, et ce en raison de l’absence momentanée de la lotion médicale appropriée, le benzoate de benzyle, chez les pharmaciens.
Malgré l’inondation du marché de vêtements par les marchandises chinoises généralement bon marché, l’affluence sur les étals de la friperie n’a pas connu de régression. On a constaté, au cours de ces derniers mois, que la gamme des articles de friperie proposés à la vente s’est étoffée et diversifiée si bien que l’on rencontre exposés des rideaux, des sous-vêtements et des chaussures.
Les acheteurs abordent les étalages sans grand complexe ; la pratique est, il faut le dire, entrée dans les mœurs depuis que la classe moyenne, formée auparavant de fonctionnaires et de métiers libéraux, s’est effilochée pour rejoindre les bas-fonds de la société pour certains et le sommet de la pyramide pour les autres.
*ARFAA RASSEK A BBA*
A.N.M