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 MOHAMED GHAFIR : « LA RÉPRESSION FUT ATROCE ET INNOMMABLE ». Témoignage 17 octobre 1961

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MissNchrea
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MOHAMED GHAFIR : « LA RÉPRESSION FUT ATROCE ET INNOMMABLE ». Témoignage 17 octobre 1961 Empty
MessageSujet: MOHAMED GHAFIR : « LA RÉPRESSION FUT ATROCE ET INNOMMABLE ». Témoignage 17 octobre 1961   MOHAMED GHAFIR : « LA RÉPRESSION FUT ATROCE ET INNOMMABLE ». Témoignage 17 octobre 1961 Icon_minitimeSam 6 Oct - 20:33

MOHAMED GHAFIR : « LA RÉPRESSION FUT ATROCE ET INNOMMABLE »
Par Imad KENZI
Publié le 27 sep 2012


Mohamed Ghafir, plus connu sous le sobriquet de Moh Clichy, est un ancien militant et responsable au sein de la Fédération de France du FLN. Il était plus exactement chargé de la Banlieue Nord de Paris (Wilaya I, Paris, Rive-gauche). Pendant les manifestations du 17 octobre, il venait de sortir de prison. Il avait participé à leur organisation en tant que responsable de wilaya. Moh Clichy était très actif dans la banlieue parisienne où il avait participé à l’organisation d’attentats contre les traîtres de la révolution. Il sillonnait les rues parisiennes sur une mobylette pour détecter les endroits où se cachaient ceux qui voulaient nuire à la révolution. Son parcours est marqué notamment par le coup de gueule lancé à la face des juges français lors de son procès en 1958. En effet, arrêté le 8 janvier 1958 par la DST à Paris, Moh Clichy fut emprisonné à Fresnes (Écrou-26216-cellule182) où il avait rencontré les 1500 autres détenus du FLN. Membre du comité de détention chargé de la commission socioculturelle, avec d’autres membres (Bachir Boumaza, Moussa Kbaili, Ahmed Hadj Ali, Mohamed Benaissa, Mustapha Francis, Abdelkader Belhadj et Mehidi Noui), Ghafir avait été l’un des premiers détenus à adopter la nouvelle stratégie de défense face aux juges français. Stratégie consistant à renier la compétence de la justice coloniale.

Avec l’accord du comité de détention et du collectif des avocats du FLN (maîtres Mourad Oussedik, Abdessamed Benabdellah et Michelle Beauvillard), il avait fait une déclaration politique lors de sa comparution le 8 octobre 1958 devant la 10e chambre d’appel. Voici le texte intégral de sa déclaration :

« Monsieur le Président, nous sommes des Algériens, à ce titre, nous n’avons fait que notre devoir au service de la révolution de notre peuple. Nous nous considérons comme des soldats qui se battent et savent mourir pour leur idéal. Ainsi, nous faisons partie intégrante de l’Armée de libération nationale, nous avons des chefs à qui nous devons obéissance. Nous avons un gouvernement, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), que nous reconnaissons seul capable de nous administrer sa justice. Nous déclinons ainsi la compétence des tribunaux français. Quel que soit votre verdict, nous demeurons convaincus que notre cause triomphera, parce qu’elle est juste et parce qu’elle répond aux impératifs de l’Histoire. Face à ce tribunal, à la mémoire des martyrs algériens morts pour la libération de leur patrie, nous observons une minute de recueillement. Garde à vous ! Vive l’Algérie libre et indépendante. Vive le Front de libération nationale. Vive la République algérienne. Vive la Révolution algérienne. » Une déclaration historique que Mohamed Ghafir récite encore de tête. Depuis, tous les Algériens jugés faisaient la même déclaration face aux tribunaux. Mohamed Ghafir avait été condamné à trois ans de prison. À sa sortie, il avait participé à l’organisation des manifestations du 17 Octobre 1961.

Dans cet entretien, il revient justement sur ces manifestations, le contexte de leur déroulement et surtout la lutte de l’immigration algérienne pour l’indépendance de son pays.

Mémoria : Monsieur Mohamed Ghafir, dans quel contexte politique les manifestations du 17octobre 1961 avaient été organisées à Paris ?
Mohamed Ghafir : Tout d’abord, je dois dire qu’à propos des manifestations du 17 octobre, beaucoup de choses ne sont pas encore dites. On ignore encore comment elles se sont véritablement déroulées et leur impact. Il faut souligner qu’elles ne sont pas de simples manifestations, mais une bataille effective. C’était une bataille politique du FLN au sein de l’immigration. Le 17 octobre 1961 ne se limitait pas simplement au fait que des Algériens soient massivement jetés à la Seine par la police de Maurice Papon. Pour moi, ayant vécu ces événements en tant que responsable au sein de la Fédération de France du FLN au niveau de Paris, juste après ma libération de prison, on doit d’abord expliquer les origines de ces manifestations avant de donner tout leur sens. En 1958, quand de Gaulle revient au pouvoir à la demande des pieds-noirs, Ferhat Abbas, au nom du Comité de coordination et d’exécution (CCE) a déclaré, en juillet 1958, que si de Gaulle compte poursuivre et maintenir la même politique que ses prédécesseurs, le FLN sera dans l’obligation de transporter la guerre sur le sol français. Cela n’a pas mis beaucoup de temps, puisque le Comité fédéral a reçu des ordres de réunir les responsables en France. Une décision est prise alors à Cologne, en Allemagne d’ouvrir un front sur le sol français. Après, des fidaïs volontaires ont été désignés pour former des groupes armés, on les appelait les GA à l’époque. Deux commandos ont été constitués : l’un est envoyé au Maroc et l’autre en Allemagne pour une formation paramilitaire. Quand ils sont rentrés trois semaines plus tard, la date du déclenchement de la lutte est fixée. Le 25 août 1958 à 00h00, des actions armées ont été lancées sur tout le territoire français. Mais le 1er septembre 1958, Maurice Papon, alors préfet de Paris, a décrété un premier couvre-feu pour les Algériens. Ce fut la première mesure dans sa stratégie guerrière contre le FLN en France. Car, il faut bien le rappeler, lorsque Papon fut nommé préfet à Paris, il avait eu carte blanche de la part du Premier ministre Debré qui lui avait textuellement dit : « Réglez vos comptes avec les Algériens, vous êtes couvert par le pouvoir. » Le couvre-feu de 1958 avait été suspendu quelques jours après son entrée en vigueur. De notre côté, nous avions poursuivi la lutte. Le 5 septembre 1958, un commando de trois fidaïs de l’Organisation Spéciale de la Fédération de France du FLN, avait tenté d’abattre Jacques Soustelle, ministre de l’Information du général de Gaulle. Il avait été ciblé à la place de l’Étoile, pas loin du siège de son ministère. Par miracle, Soustelle s’en était sorti indemne. Les trois membres du commando furent arrêtés après l’attentat. Ils furent condamnés à mort. Ainsi, la Fédération avait maintenu le même cap pendant plusieurs mois. Et en 1959, de Gaulle décida de changer de politique vis-à-vis de l’Algérie. Le 19 septembre 1959, il évoqua pour la première fois l’autodétermination de l’Algérie. Néanmoins, certains membres de son gouvernement étaient contre cette nouvelle politique. C’était le cas de son Premier ministre Michel Debré qui avait essayé de le contrecarrer. C’était également le cas de Maurice Papon. Ce dernier avait fait venir d’Algérie plus de 500 harkis, sélectionnés parmi les plus durs. Ils constituaient le noyau dur des forces de police auxiliaire, créée spécialement pour mener la guerre au FLN.

Mémoria : Justement à propos de ces premières actions armées sur le sol français, pouvez- vous nous dire quel type d’actions les responsables de la Fédération de France avaient alors préconisé ?
Mohamed Ghafir : Quand les fidaïs formés pour la circonstance ont été éparpillés sur les différentes régions françaises, ils ont reçu un programme d’action. Il fallait cibler des objectifs militaires et économiques. Une directive qui mérite d’être rappelée ici leur a été donnée : tout faire pour épargner les civils. Et ce pour ne pas faire retourner l’opinion française contre nous. Donc, d’une manière générale, il fallait s’attaquer aux casernes, aux commissariats et à toutes les infrastructures économiques importantes. Le cas par exemple de la raffinerie de Mourepiane à Marseille est édifiant. C’est la plus grande raffinerie de France qui permettait d’alimenter l’armée française en Algérie en essence et gasoil, et ce en million de mètres cubes. On prenait le pétrole algérien pour le raffiner et le renvoyer ensuite en Algérie. D’ailleurs, pour la petite anecdote, un de nos responsables au niveau du CCE avait dit une année avant le sabotage de cette raffinerie : « Le pétrole algérien qui est transféré pour alimenter leurs raffineries, on va le brûler même en France. » Cette raffinerie de Mourepiane a été enflammée le 25 août 1958 à minuit et 15 minutes. Le lendemain, le journal marseillais, Le Provençal, a titré à la une en gras et en rouge : « Catastrophe nationale ». Pour vous dire l’ampleur des dégâts occasionnés par l’explosion de Mourepiane. En plus du sabotage de cette raffinerie, il y a eu également des attaques aussi spectaculaires, comme celles ayant ciblé la cartoucherie de Vincennes et le déraillement de trains de marchandises. Certains militants ont provoqué également plusieurs incendies de forêts. Même la Tour Eiffel a été ciblée. Plus exactement, un fidaï a tenté de démonter l’antenne de Radio France installée à son sommet, avant de placer une bombe artisanale d’une faible puissance dont l’explosion a causé une relative coupure des transmissions. À travers ces actions, nous avons voulu adresser un message à de Gaulle pour qu’il comprenne que l’Algérie n’est pas française. C’est le message de toute l’immigration algérienne en France. À l’époque, nous étions à peu près 400 000 Algériens sur le territoire français.

Mémoria : Comment la Fédération de France avait-elle préparé la manifestation du 17 octobre ?
Mohamed Ghafir : Juste après l’instauration du couvre-feu par Maurice Papon, le 6 octobre 1961 (ce couvre-feu ne concerne pas toutes les villes françaises mais il se limite à Paris et les banlieues), nous avons envoyé des rapports au Comité fédéral* de la Fédération de France du FLN avec des suggestions de la base qui commençait à sentir la menace venir avec le couvre-feu. Le 10 octobre, nous avons eu la réponse. Nos responsables nous ont alors proposé de boycotter le couvre-feu et de faire en sorte à ce que tout les Algériens sortent en famille tous les soirs, et ce à partir du 14 octobre (le 17 est la date butoir). Des directives strictes sont également données à savoir : ne pas prendre d’armes de quelque nature qu’elle soit lors des sorties et s’habiller correctement. Nous avons alors répercuté la directive comme il se doit jusqu’à la base (il y a dix paliers depuis la cellule jusqu’au chef de wilaya. Ce système pyramidal comportait la wilaya, la super zone, la zone, la région, le secteur, la kasma, la section, le groupe, la cellule et le militant). Ainsi, le 17 octobre à 20h30, tout le monde a répondu à l’appel de braver l’interdiction de sortir. Nos militants et militantes sont alors sortis avec des poussettes et des bébés, comme s’ils allaient à une fête. Ils devaient se rendre aux grands boulevards de Paris. Nous avons indiqué au préalable aux militants les endroits où ils devaient se rendre, et ce en fonction de la région où ils résidaient. Le préfet de police de Paris, qui a eu vent de cette manifestation, a mobilisé 7 000 policiers et auxiliaires de police ainsi que 1500 gendarmes pour la réprimer dans le sang. C’était une nuit glaciale, une nuit pluvieuse. Toutes les portes de Paris (il y en a 35 à Paris) et toutes les bouches de métro étaient quadrillées par la police de Papon qui avait alors bloqué les bus qui venaient des banlieues. Tout Algérien était ensuite arrêté avant d’être transféré vers les fameux centres de tri. Ceux qui avaient la chance de se rendre au centre de Paris avant 20 heures avaient commencé à manifester pendant que les autres se faisaient arrêter d’une manière systématique. Ils furent parqués dans des stades à Vincennes et à La porte de Versailles.

Mémoria : Et ceux qui avaient pu rejoindre les grandes artères ?
Mohamed Ghafir : Alors certains furent massacrés au Pont de Neuilly par les policiers qui s’étaient déchaînés sur eux, les assommaient à coups de crosse et de manches de pioche et les jetaient ensuite dans la Seine. Aucun homme n’avait pu échapper aux brutalités des policiers. Sur certains ponts, les policiers avaient même pris le temps de ligoter des Algériens avant de les jeter dans la Seine. D’autres manifestants furent pendus à l’aide de fil de fer au niveau des Bois de Boulogne et de Vincennes. D’autres furent aspergés d’essence et brûlés vifs dans des terrains vagues à Paris. En un mot, c’était atroce… Innommable ! Les femmes étaient également arrêtées et conduites aux auspices.

Mémoria : Quels étaient les slogans scandés ce jour-là par les Algériens ?
Mohamed Ghafir : Ils criaient notamment : « A bas les mesures racistes ! » ; « Libération de frères et sœurs détenus ! » ; « Négociation avec le GPRA ! » ; « Indépendance totale de l’Algérie ». C’étaient les slogans proposés par la Fédération de France du FLN.

Mémoria : Quand les responsables de la Fédération avaient-ils découvert l’ampleur de la répression ?
Dans la nuit du 17 octobre, à l’instar de tous les cadres de l’organisation, je n’ai pas directement participé aux manifestations et ce conformément à la directive du comité fédéral qui stipulait que « les cadres importants, permanents, recherchés doivent éviter toutes ces manifestations par mesure de sécurité. ». Et comme j’étais recherché, je vivais dans la clandestinité. J’étais hébergé par un couple de Français membres du réseau Jeanson. Chez ce couple, j’avais écouté la radio qui avait repris le communiqué officiel de la préfecture de police donnant le bilan de 2 morts. Et en tant que responsable de wilaya (Paris était divisé en deux wilayas), il m’avait fallu une semaine pour prendre contact avec les responsables de région qui avaient fait leurs rapports. Nous étions incapables de dresser un bilan de ceux qui étaient morts. On parlait alors dans les premiers rapports de disparus. Il y avait ceux qui étaient encore détenus, ceux qui furent expulsés vers l’Algérie. Ce n’était que bien plus tard qu’on avait commencé à mesurer l’ampleur de la répression. Aujourd’hui, grâce aux historiens, nous savons qu’il y avait eu 395 morts le 17 octobre. C’est le chiffre que donne Jean-Luc Einaudi trente ans après les faits. Mais au niveau de la Fédération, on n’avait pas les statistiques exactes. Quinze jours après, le 31 octobre 1961, on s’était réuni. On avait regroupé tous les rapports qu’on avait eus de la base pour les analyser et faire un recensement, mais la réunion fut brusquement interrompue. Ce jour-là, la police avait cerné tout le quartier. Nous avons alors détruit tous les rapports lorsque la police avait tapé à la porte de l’appartement où nous étions, avant de prendre la fuite en sautant par la fenêtre.

* : Le comité fédéral a été installé en Allemagne au début de 1958. Il est en contact avec l’organisation clandestine à Paris grâce à un système de liaisons presque quotidiennes par téléphone, courriers et messagers.

Par Imad KENZI

http://memoria.dz/sep-2012/dossier/mohamed-ghafir-la-r-pression-fut-atroce-innommable


MOHAMED GHAFIR : « LA RÉPRESSION FUT ATROCE ET INNOMMABLE ». Témoignage 17 octobre 1961 Memoria06-039-A
À l'extrême gauche de la photo Mohamed Ghafir ( dit Moh Clichy) , se recueillant sur la stèle commémorative des victimes de la répression.

MOHAMED GHAFIR : « LA RÉPRESSION FUT ATROCE ET INNOMMABLE ». Témoignage 17 octobre 1961 Memoria06-040 Mohamed Ghafir ( dit Moh Clichy)
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